Ariodante de Haendel sauvé par les voix et la musique à la Staatsoper de Stuttgart

Xl_ariodante © Christoph Kalscheuer

Ariodante, composé par Georg Friedrich Haendel en 1734, est l’un de ses chefs d’œuvre absolus, au niveau d’Alcina, Rodelinda ou Tamerlano. Sa couleur « préromantique », comme ombrée, est bouleversante, et n’exclut nullement les fastes du baroque ornementé le plus flamboyant. Pourtant, la réalisation proposée actuellement à l’Opéra d’état de Stuttgart ne lui rend pas – loin s’en faut – justice. Est-ce pour coller aux quelques incongruités du livret que le duo Jossi Wieler-Sergio Morabito – placé aux rênes de la maison germanique – s’est attaché à nous montrer n’importe quoi sur scène trois heures durant ? Après leur affligeante lecture de Norma au Teatro Massimo de Palerme il y a trois ans, les trublions de la scène allemande récidivent avec ce que le Regietheater peut engendrer de pire. Ainsi, pendant l’ouverture, les personnages viennent se présenter un à un au public en tenue de catcheur, et c’est sur un ring (photo) que se résoudra l’affrontement entre Lurcanio et le vil Polinesso, dont le KO lui sera fatal. La trivialité de la transposition – le lecteur le comprendra aisément – ne peut qu’entrer en contradiction avec le charme et la beauté de la musique, alors passons vite…

Dans le rôle-titre, la mezzo Diana Haller – belle Fenena sur cette même scène en 2014 – est superbe de vaillance déchirée, trouvant une libre respiration et un vrai sens pathétique dans la fameuse et sublime aria « Scherza infida ». Plus d’une fois, la chanteuse croate éblouit ou bouleverse, pleine de prestance dans les récitatifs, et si virtuose dans les grands airs coloratures. Malheureusement, dans le rôle fragile et racé de Ginevra, la soprano macédonienne Ana Durlovski – Traviata inégale in loco il y a trois saisons – ne brille pas, et son jeu ne parvient pas à rattraper un timbre rêche et pauvre en harmoniques.  En revanche, le contre-ténor américain Gerald Thompson, au timbre radieux, aux attaques arrogantes, au phrasé sensible et varié, incarne le méchant Polinesso avec beaucoup d’aplomb. En Dalinda, la soprano allemande Josefin Feiler déploie un charme piquant et une agilité vocale sans reproche. Sebastian Kohlepp est un Lurcanio au beau timbre sombre et à la musicalité touchante, qui possède le lyrisme, l’ampleur et le mordant requis par son personnage. Le baryton-basse britannique Matthew Brook, enfin, prête au Roi un timbre ferme, mais aussi une colorature sûre et un beau legato.

Face à l’une des partitions les plus inspirées de Haendel, la direction du chef italien Giuliano Carella – qui dirige aussi, en alternance, le rarissime Prophète de Meyerbeer à Essen – se met au même niveau de mérite que le chant : voilà une restitution intégrale, probe et musicale qui permet de sauver la soirée, en parvenant (presque) à faire oublier le naufrage scénique !

Emmanuel Andrieu

Ariodante de Georg Friedrich Haendel à l’Opéra d’état de Stuttgart, jusqu’au 21 avril 2017

Crédit photographique © Christoph Kalscheuer
 

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