Stéphane Lissner envisage « un futur très sombre pour la culture »

Xl_stephane-lissner © DR

Depuis maintenant plusieurs semaines, la quasi-totalité des maisons lyriques ont fermé leurs portes et l’Opéra National de Paris n’échappe pas à la règle. Mais quid maintenant d’une date de réouverture ? Sans doute pas avant un moment si l’on en croit Stéphane Lissner, directeur de la maison parisienne, interrogé ce matin sur France Inter et qui envisage un « futur très sombre pour la culture ».

On le sait, en début d’année, l’établissement parisien a dû baisser le rideau à plusieurs reprises suite aux grèves de ses salariés (contestant la réforme des retraites du gouvernement), avant de fermer ses portes pour cause de pandémie – « pour deux mois et peut-être bien plus encore ». Selon Stéphane Lissner, au regard du contexte, la réouverture de l’Opéra de Paris à la rentrée est loin d’être acquise dans la mesure où les mesures sanitaires envisagées à ce stade seraient impossibles à mettre en œuvre. Au point que cette période de fermeture pourrait être prolongée au-delà des temps de confinement et être l’occasion d’initier, plus tôt que prévu, des travaux au sein de l’établissement. La réouverture serait dès lors peut-être repoussée à début 2021.
Le directeur explique cette option par les difficultés d’agenda auxquelles il se heurte : à titre d’exemple, la Tétralogie de Wagner devait être donnée progressivement au cours de la saison (la première de La Walkyrie, avec notamment Jonas Kaufmann, était prévue aujourd'hui, mais l'ensemble des productions ont été annulées), puis reprise à l’automne dans le cadre d’un Ring complet. Si les mesures sanitaires seront sans doute allégées d’ici là, ce Ring est conditionné à la possibilité d’en achever les décors ou d’en organiser les répétitions – peut-être au cours de l’été, mais sans garantie.

Stéphane Lissner n’est pas plus optimiste quant à la santé financière de l’Opéra de Paris qui pourrait accuser plus de 40 millions d’euros de pertes en fin d’année. Si une faillite de l'Opéra de Paris n'est pas à l'ordre du jour puisque le directeur a la garantie du soutien de l'Etat, aujourd’hui, plus de 60% du budget de l’établissement repose sur la billetterie et le mécénat (le reste du budget étant assuré par la dotation de l’Etat, en baisse constante depuis des années selon Stéphane Lissner) : l’impossibilité d’accueillir le public obère donc mécaniquement les capacités financières de l’établissement – mais aussi sa liberté artistique. Selon Stéphane Lissner, ces contraintes économiques imposent une programmation populaire et accessible pour remplir les salles, là où la mission de service public de l’Opéra national devrait être aussi de faire vivre et de faire découvrir l’ensemble du répertoire, incluant des ouvrages plus exigeants, mais moins rentables – et donc impossibles à monter en période de disette budgétaire.

À la veille des annonces du chef de l’Etat destinées au monde de la culture, Stéphane Lissner noircit sans doute volontairement le tableau de l’Opéra de Paris pour mieux sensibiliser la classe politique aux problématiques auxquels les artistes sont confrontés actuellement – Stéphane Lissner en appel notamment à une réelle vision de long terme pour la culture en France, tant au plan national que régional, inexistante selon lui depuis de Gaulle et Malraux, puis Mitterrand et Jack Lang. Pour autant, on comprend aussi que la crise du Covid-19 imposera manifestement aux grandes maisons lyriques (et peut-être plus spécifiquement à la « Grande boutique ») de repenser à la fois leur mission de service public et leurs relations avec le public.

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