La « rentrée » de Stéphane Lissner à Paris

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Officiellement directeur de l’Opéra de Paris depuis début août, Stéphane Lissner fait sa rentrée avec une saison qui n’est pas vraiment de son fait puisqu’elle a été programmée par Nicolas Joël avant son départ – et où pourtant il a mis sa marque : si la reprise de La Traviata dans la production de Benoit Jacquot est un héritage auquel il n’a pas touché, Stéphane Lissner est en revanche intervenu pour que Le Barbier de Séville ne soit pas repris dans la mise en scène de Coline Serreau, qui a fait son temps, mais dans celle, plus vive, plus dynamique, plus moderne du jeune vénitien Damiano Michieletto (qui fera ainsi ses débuts à l’Opéra de Paris alors qu’il a déjà fait ses preuves à Milan, Salzbourg ou Madrid). De même, alors qu’on risquait une énième reprise de la médiocre mise en scène de Werner Schroeter pour Tosca, c’est à une nouvelle production signée du brittanico-libanais Pierre Audi qu’on assistera (avec une alternance de trois Tosca – parmi lesquelles Béatrice Uria Monzon, dont le public parisien va enfin découvrir l’interprétation de ce rôle auquel elle confère une intensité vertigineuse qui confirme qu’elle n’est pas seulement la grande Carmen qu’on connait depuis plus de 20 ans).
Il y aurait d’autres exemples mais l’essentiel est de comprendre que, avant de pouvoir présenter, la saison prochaine, une programmation dont il sera entièrement responsable, Stéphane Lissner est bien à la barre ! On sait depuis longtemps sa passion pour le théâtre (c’est même là qu’il a fait ses premiers pas, c’est là qu’il a toujours puisé ces ressources d’imagination qu’il a su infuser dans le tissu lyrique) : d’emblée – et cela n’étonnera personne – il met donc l’accent sur cette dimension théâtrale, tout en continuant d’être attentif aux distributions, tant il sait qu’il n’est de théâtre efficace que s’il est habité. Et à l’opéra, cette présence s’incarne dans les voix.

La politique éditoriale de Stéphane Lissner va donc très vite se mettre en place après cette année de transition durant laquelle il distillera peut-être des éléments sur ses ambitions. Sur le plan artistique, il saura sans aucun doute avoir de l’audace quant au répertoire (on parle de Moïse et Aaron de Schoenberg fin 2015 par exemple) mais il saura aussi, en directeur avisé, équilibrer la proposition avec, par exemple, une nouvelle production très attendue de Carmen (qui permettra de découvrir l’excellente mezzo française Clémentine Margaine). Il saura de même attirer des metteurs en scène inventifs (par exemple Claus Guth, enfin sollicité par l’Opéra de Paris après trop d’attente), mais aussi proposer des distributions attractives dignes d’une scène comme Paris (on entendra par exemple régulièrement Jonas Kaufmann, on découvrira – enfin ! – sur la scène de l’Opéra de Paris l’immense Anja Harteros, qui n’y a jamais été invitée alors qu’elle est aujourd’hui la plus grande soprano verdienne de son époque, ou l’autre Anja, la belle soprano dramatique Anja Kampe – qui fera d’ailleurs l’ouverture de la prochaine saison de la Scala avec Fidelio… programmé par Stéphane Lissner avant son départ !), tout en faisant place à ces nouvelles voix françaises qui consacrent le renouveau de notre école de chant : on a déjà évoqué Clémentine Margaine, on attend Julie Fuchs, Marianne Crebassa, Vannina Santoni, Florian Laconi, Benjamin Bernheim, Nicolas Courjal, tant d’autres, sans oublier les déjà affirmés Julien Behr, Florian Sempey ou Alexandre Duhamel, etc.

Mais Stéphane Lissner a aussi des intentions nombreuses quant à la diffusion des spectacles de l’Opéra de Paris et de la « marque » Opéra de Paris : il veut par exemple décentraliser un certain nombre de spectacles en province, en particulier avec l’Ecole d’Art lyrique, tout comme il entend reconduire et dynamiser l’accord de diffusion en direct dans les cinémas UGC. On lui prête même la volonté de baisser le prix des places afin de favoriser un accès plus large à l’opéra, en redéployant les recettes du mécénat aujourd’hui presque exclusivement affectées à des tournées de prestige du Ballet.

On a compris que Stéphane Lissner fait une vraie rentrée avec l’Opéra de Paris. Opera online sera présent et attentif à ce qui marquera les premiers pas de cette « ère Lissner ». Et, très bientôt, nous espérons pouvoir recueillir une interview du nouveau directeur afin de vous faire partager la vision qu’il a de sa mission en même temps que les détails de ses ambitions pour l’Opéra de Paris.
La première de Traviata, le 8 septembre, marquera la rentrée de Stéphane Lissner : nous y serons.

Alain Duault

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