
Le Teatro Regio de Turin ouvre sa saison avec une nouvelle production de Francesca da Rimini, sur la même scène où l’opéra de Riccardo Zandonai a été créé en 1914. Le metteur en scène Andrea Bernard promet une lecture contemporaine de l’œuvre, défendue sur scène par Roberto Alagna, Barno Ismatullaeva ou encore George Gagnidze.
En 2022, Mathieu Jouvin était nommé à la tête du Teatro Regio de Turin et depuis, le directeur a manifestement à cœur d’inviter le public (local comme international) à redécouvrir des œuvres rares. En septembre 2023, il ouvrait sa saison avec La Juive d’Halévy qui n’avait plus été donnée à Turin depuis 1885 ; l’année dernière il imaginait une « trilogie Manon » réunissant les Manon de Massenet, Puccini et d’Auber ; et cette année, pour ouvrir la saison 2025/26, il opte pour Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai.
Non seulement l’œuvre n’est pas fréquemment donnée sur scène, mais elle est aussi l’occasion de renouer avec l’héritage de Teatro Regio – Francesca da Rimini y a été créé en 1914. L’ouvrage repose sur un épisode célèbre de La Divine Comédie de Dante (le cinquième chant de L’Enfer), que Gabriele D’Annunzio avait déjà exploité en 1901 pour écrire sa tragédie homonyme. En 1912, le compositeur Riccardo Zandonai en proposait une adaptation lyrique à la maison Ricordi et le 19 février 1914, l’opéra était donc créé au Teatro Regio de Turin : l’ouvrage y rencontrait un grand succès auprès du public (Francesca da Rimini marque le sommet de la carrière de Zandonai), avant de s’exporter à Londres, à La Scala ou au Metropolitan Opera de New York avec le même engouement.
Une nouvelle production ancrée dans l'ère du temps
En ouverture de sa saison, le Teatro Regio de Turin donne une nouvelle production de Francesca da Rimini, pour en proposer une lecture renouvelée de l'ouvrage. L’institution l’a confiée au metteur en scène Andrea Bernard qui racontera l’histoire de la jeune Francesca, mariée par son père et son frère au cruel Gianciotto qu’elle n’aime pas, alors qu’elle nourrit des sentiments pour le beau Paolo et est convoitée par le borgne Malatestino...
Dans l’approche du metteur en scène, Francesca n’est pas une victime mais « une femme lucide et consciente » : elle « s'est construite un monde apparemment sûr pour se défendre de la violence patriarcale qui l'entoure », dans « une chambre qui prend à la fois des allures de refuge et de prison, de souvenir et d’illusion, et c’est là que l’amour devient un acte de résistance ». Toujours selon Andrea Bernard, « la tragédie survient quand elle trouve en Paolo un amour authentique, un rêve capable de la projeter vers un avenir plus proche de nos sensibilités contemporaines, un sentiment qui la rapprochera de la vérité, mais qui porte en lui les germes de la tragédie ». Dans la lecture d’Andrea Bernard, Francesca choisit la liberté et fait en conscience le choix de l’amour interdit, même au prix de sa vie.
Musicalement, le chef Andrea Battistoni dirigera la partition de Riccardo Zandonai pour la première fois – mais avec une vision très claire de la musique du compositeur. Selon le chef, Francesca da Ramini est un « opéra visionnaire, suspendu entre raffinement orchestral et drame intérieur », à la croisée des chemins entre la tradition du mélodrame italien (l'éditeur Ricordi considérait Zandonai pour l’héritier de Puccini) et les influences européennes de Debussy, Wagner ou Strauss. Pour le chef, la partition représente surtout « un grand défi pour l'orchestre » dans la mesure où la musique ne se contente pas d’accompagner les solistes mais joue aussi un rôle de « véritable co-protagoniste » dans l’œuvre – par exemple dans le finale du premier acte, quand Paolo et Francesca se rencontrent, se taisent, et que seul l'orchestre exprime toute l'émotion de leur coup de foudre.
Le retour de Roberto Alagna à Turin
Pour défendre la production sur scène, le Teatro Regio réunit une distribution d’interprètes internationaux : la soprano ouzbèke Barno Ismatullaeva chantera le rôle-titre (après avoir été découverte par le public turinois dans le rôle-titre de Madame Butterfly en 2023) aux côtés du Paolo de Roberto Alagna, de retour au Teatro Regio après quelque vingt ans d’absence. Ce même rôle qui lui avait valu une ovation du public parisien en 2011, à l’occasion de son retour à l’Opéra de Paris après plusieurs saisons d’absence. À Turin, Roberto Alagna retrouvera aussi le baryton George Gagnidze dans le rôle du vindicatif Gianciotto, qu’il chantait déjà dans la production parisienne. À leurs côtés, Matteo Mezzaro sera le borgne Malatestino et le baryton Devid Cecconi incarnera Ostasio, le frère de Francesca qui organise son mariage en la trompant. Le chœur du Teatro Regio sera dirigé par Ulisse Trabacchin. Ekaterina Sannikova chantera Francesca (les 14 et 23 octobre) en alternance avec Barno Ismatullaeva et Marcelo Puente (les 19, 21 et 23 octobre) partagera le rôle de Paolo avec Roberto Alagna (les 10, 12, 14 octobre).
Cette nouvelle production de Francesca da Rimini fera l’objet d’une « avant-première jeune » le 9 octobre (réservée aux spectateurs de moins de 30 ans, avec des places à partir de 10€). La production ouvrira officiellement la saison du Teatro Regio de Turin le 10 octobre et sera donnée jusqu’au 23 octobre. On trouve plus d'informations sur le site du théâtre.
publié le 08 octobre 2025 à 08h08 par Aurelien Pfeffer
08 octobre 2025 | Imprimer
Commentaires