
C'est avec tristesse que nous apprenons le déçès de Robert Wilson, largement connu sous le surnom de Bob Wilson. Il laisse un testament artistique gargantuesque, mais surtout une esthétique unique qui a su s'imposer dès ses débuts.
Metteur en scène incontournable des scènes lyriques, Robert Wilson s’est éteint ce jeudi 31 juillet 2025 au petit matin, à Water Mill dans l’Etat de New York, entouré de ses proches. Il avait 83 ans et souffrait d’un cancer qui lui avait été diagnostiqué voici quelques mois – quelques derniers mois passés au Watermill Center, ce centre artistique qu’il avait contribué à fonder en 1992 à Long Island pour accueillir les artistes du monde entier et c’est sans doute significatif : sa vie personnelle était indissociable de sa vie artistique.
Ses premières années
De son vrai nom Robert M. Wilson, celui que tout le monde connaît sous le nom de Bob Wilson naît à Waco, au Texas dans le sud des États-Unis, le 4 octobre 1941 dans une famille très conservatrice. Fils de Loree Velma (née Hamilton) et de l’avocat DM Wilson qui n’acceptera jamais l’homosexualité de son fils, ni son goût pour les arts – Bob Wilson dira plus tard que dans sa ville natale, aller au théâtre était considéré comme une activité « immorale ».
Après une jeunesse difficile dans ce milieu rejetant ce qu’il était, il part à Austin (Texas), où il étudie l'administration des affaires durant trois ans avant de déménager à Brooklyn, à New York, où il se réoriente vers un autre domaine. Là, il étudie l'art et l'architecture, mais se découvre aussi attiré par le travail des chorégraphes pionniers George Balanchine, Merce Cunningham ou encore Martha Graham.
En 1968, Bob Wilson fonde une compagnie de performances expérimentales, la Byrd Hoffman School of Byrds avec laquelle il réalise ses premières œuvres majeures, à commencer par The King of Spain et The Life and Times of Sigmund Freud. Il dissoudra finalement la compagnie en 1975.
Un artiste pluridisciplinaire
Son goût pour l’art sous toutes les formes l’amène à devenir un artiste pluridisciplinaire, dont la patte est présente dès ses premières mises en scène : on se souviendra de l’épure de ses spectacles, des lumières, de la direction millimétrée, de son caractère énigmatique – alors qu’il pouvait être si exubérant dans la vie... Au gré de sa carrière, il côtoie John Cage, Trisha Brown ou encore Philip Glass. Avec ce dernier, il crée Einstein on the Beach en 1976, opéra fondateur de sa démarche artistique qui marquera les esprits et qui continue à être joué (comme à la Grande Halle de la Villette en novembre 2023).
Il serait vain de tenter de dresser la liste exhaustive de ses travaux, sur les scènes de théâtre et d’opéra, mais aussi ailleurs : metteur en scène phare de son époque, il était également un artiste connu et reconnu pour ses dessins, peintures, portraits vidéo ou encore ses sculptures qui lui ont valu un prix à la biennale de Venise. Bob Wilson crée également des accessoires, se consacre à des expositions... Tout cela parallèlement aux spectacles qu'il montait (au nombre de cinq par an en moyenne !).
Un style unique reconnaissable entre tous
Que l’on adhère ou non à sa vision (qu'il refusait « d'expliquer » pour se focaliser sur le fait de « faire »), assister à un spectacle de Bob Wison, c’est en être marqué à vie : on ne l’oublie pas. Une proposition si personnelle, si millimétrée, si travaillée en détail, avec une lenteur chorégraphiée, une toile de fond bleu, des symétries, une spiritualité marquante, un discours de l’image... Tout ceci n’a jamais laissé indifférent. On peut adorer, ne pas aimer ou détester, mais l'artiste ne laissait pas indifférent.
Parmi les nombreux chefs d’œuvre qu’il a marqué de son empreinte au cours de sa carrière prolifique, citons La Dernière Bande de Beckett, L’Opéra de quat’sous de Brecht, Pelléas et Mélisande de Debussy, Faust de Goethe, L’Odyssée d’Homère, Les Fables de La Fontaine, Madame Butterfly de Puccini, La Traviata de Verdi ou encore l’Œdipe de Sophocle. Quant à sa dernière mise en scène, elle date de 2024, avec Pessoa. Since I’ve Been Me, créé au Teatro della Pergola, à Florence, également donnée au Théâtre de la Ville, à Paris.
Bob Wilson consacra sa vie à l’art, les deux semblant intrinsèquement mêlés : lorsqu’il apprit sa maladie et qu’il ne lui restait plus que quelques mois à vivre, il ne s’est pas retiré paisiblement mais a préféré continuer à travailler, encore, toujours. Il s’est ainsi rendu au Watermill Center, sur Long Island, près de New York, qu’il avait fondé en 1992, sans prendre sa retraite. Il devait même encore mettre en scène Tristan et Isolde de Wagner à Ljubljana en février 2026, et la production aurait dû ensuite être reprise à Bruxelles, Madrid et Wroclaw. Artiste sans égal, « il a bouleversé l’art de la scène. On ne regarde plus après Bob Wilson comme on regardait avant » selon les mots de Jack Lang, qui avait fait découvrir le metteur en scène au festival de Nancy en avril 1971, avec Le Regard du sourd.
A 83 ans, Bob Wilson cumulait non seulement bien des « casquettes » mais aussi de nombreux prix, dont le dernier remonte à 2023 : le prix Praemium Imperiale (un prix attribué depuis 1989 par la famille impériale du Japon au nom de l'Association japonaise des beaux-arts).
Il laisse derrière lui un héritage artistique immense et un véritable vide dans le paysage des arts de la scène.
publié le 1er août 2025 à 07h38 par Elodie Martinez
01 août 2025 | Imprimer
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