Récital à l'Opéra Comique : trop facile pour Anne-Catherine Gillet

Xl_552a8171 © Fabrice Hauwel

Il y a trois semaines, la soprano Anne-Catherine Gillet incarnait une flamboyante Angèle de Olivarès sur la scène de l’Opéra Comique, dans la production festive du Domino noir d’Auber, étrennée à Liège. La voici de retour dans une Salle Favart beaucoup moins remplie, pour un récital décontracté autour d’une liste printanière de mélodies et chansons françaises accompagnées au piano (Nathanaël Gouin), à la flûte (Fleur Grüneissen) et au violoncelle (Sébastien Walnier). L’entrée nasillarde et hâtive de la soprane sur un arrangement instrumental indigeste de « Dis, quand reviendras-tu », de Barbara, fait craindre une suite similaire. La partition du compositeur André Caplet laisse entendre des attaques peu assurées, mais les fins de phrase prennent forme sereinement, sans cliquetis nerveux. Le dévoilement de ses cartes progresse : des piano fermes et énoncés en nénuphars perlés et flottants magnifient Debussy, alors que les mezzo et les forte deviennent également bouleversants dans « Fille d’acier », de Joseph Kosma. Le vibrato aéré lui ouvre un sas de phrasé parcellaire et distingué. Anne-Catherine Gillet peut devenir enjouée dans des cadences virevoltantes et dans des soutiens de temporalité variable (« Villanelle » d’Eva Dell’Acqua), opter pour la douce fièvre habitée chez Ravel, ou parier sur une double face – l’une cachant des pensées secrètes et l’autre exprimant des facéties reposées – dans « L’heure exquise » de Reynaldo Hahn. Le souffle vainqueur, les trilles gracieux, la soprano se régale à l’instar d’une fée clochette à l’éclat inaltéré. « Vous n’êtes pas venu dimanche », efficacement retranscrit, ressuscite les années trente, les ports de voix nauséeux en moins, la rythmique dansante en plus. Au contraire, « Mon Amant de Saint-Jean » comporte peu de basses au piano et trop d’ornements vocaux. Si l’intensité ne sied pas toujours à Anne-Catherine Gillet, notamment chez Massenet, la véritable faiblesse de ce récital est l’articulation : Fauré et Duparc le lui pardonneront cette fois-ci.

Des interludes instrumentaux de qualité jalonnent la promenade : la flûtiste livre par exemple une interprétation joliment méditative de la Cantilena de la sonate avec piano de Poulenc, et le violoncelle adoucit Les Larmes de Jacqueline d’Offenbach de belles couleurs. Le pianiste cependant a le toucher parfois lourd lorsqu’il assiste la soprane.

Problème : la Salle Favart est bien trop grande pour une telle soirée. La petite Salle Bizet, utilisée pour les concerts Porte 8, en ambiance Années folles et cabaret, aurait été un écrin plus juste pour ce programme rafraîchissant. De plus, le public, conquis d’avance par les miniatures qui font pleurer dans les chaumières et les chansons d’entre-deux-guerres, mériterait sans doute un récital plus exigeant, à la pleine mesure du talent de l'interprète.

Thibault Vicq
(Paris, le 26 avril 2018)

Crédit photo : © Fabrice Hauwel

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