Gustavo, Jonas, Juan Diego, Plácido, Sonya et Yuja : six stars en gala à la Scala

Xl_dscf0795 © (c) Thibault Vicq

Comme nombre de marques, Rolex (un partenaire d’Opera Online) entretient de longue date des relations privilégiées avec plusieurs ambassadeurs et égéries – parmi lesquels de nombreux artistes, Pablo Picasso en son temps ou Martin Scorsese et Kathryn Bigelow aujourd’hui, mais aussi, et c’est ce qui nous intéresse ici, plusieurs interprètes d’opéra avec qui la marque érige une collaboration pérenne en déployant des partenariats avec de prestigieux opéra.
La maison suisse sponsorise des productions et festivals d’opéra, développe des programmes de mentoring à destination de jeunes artistes, et le temps d’une soirée de gala organisée au profit des activités éducatives de l’Académie du Teatro alla Scala, elle réunissait ce soir quelques-uns de ses principaux ambassadeurs : Plácido Domingo et Gustavo Dudamel à la direction, mais aussi Juan Diego Flórez, Jonas Kaufmann, Sonya Yoncheva et la pianiste Yuja Wang en solistes, aux côtés de l’Orchestre philharmonique de Vienne. Excusez du peu ! Et la représentation brille autant sur scène que sur le poignet des spectateurs.


Gustavo Dudamel, Yuja Wang (c) Thibault Vicq

Dans l’ouverture de La Force du destin, Gustavo Dudamel concentre l’énergie dans les silences et chapeaute les modulations avec onirisme. Le tempo est loin d’être paresseux, le fatum se niche dans les détails. L’orchestre tient haut le succès de l’interprétation, car la houle de cordes, les merveilleux solos et l’ambivalence des cuivres ne sont pas dus au hasard.

Le Concerto pour piano de Schumann se fond à la même magie voltigeuse, sans interruption de style, et dans une atmosphère électrique. La donnée la plus frappante est le degré de fluidité des allers-retours entre le piano et les timbres orchestraux. La distension rythmique s’épanouit dans cet écosystème inondé de nuances. Le chef porte une magie du tissage au long cours, et Yuja Wang s’interpose en passeuse de climats, du fond des touches, face à des cumulus orageux de cordes et des vents qui tournent en sillons. Jusque là alerte, elle prend un caractère plus chapardeur encore dans son rappel, la fantaisie de Vladimir Horowitz d’après la danse bohémienne de Carmen.


Sonya Yoncheva, Jonas Kaufmann (c) Thibault Vicq


Juan Diego Florez (c) Thibault Vicq

Après l’entracte, Plácido Domingo prend la baguette sur l’Intermezzo tiré de L’Amico Fritz, de Mascagni. Autre bras, autre style, tout aussi remarquable : le morceau se pare d’une tension à l’effet d’une bombe à retardement. L’accumulation métallique des cordes dans un paysage de phrases mû par l’homorythmie, jusque dans les ornements ibérisants, inonde la scène, jusqu’à une résolution finale scintillante. Dans La Force du destin, le chef se positionne sous une teinte plus sombre que Gustavo Dudamel. Les sonorités, d’une exactitude chirurgicale, optent pour un désespoir qui sied à l’héroïsme de Jonas Kaufmann, que nous retrouvons en forme vocale olympique. Des piano confessionnaux au soutien de roc, l’écoute laisse presque en état de transe. Son Alvaro désemparé cherche et titube du fond de ses pensées, se relève pour mieux retomber ensuite dans un gouffre de désespoir : le ténor chante tout cela à la fois. Les contrastes animent similairement « Rachel, quand du Seigneur » (de La Juive), bien que nous soyons un peu moins convaincus par la précision des notes et les coupures de phrases. Il partage « Già nella notte densa » (Otello) avec Sonya Yoncheva : il épanche un affect à revendre dans des délicats soupirs chantés qui font tomber les masques ; elle pose superbement les bases d’une énigme mélancolique à partir d’attaques étonnantes et d’un raccourcissement de ses longueurs d’émission, au-dessus d’emballantes nappes orchestrales proches d’un Steve Reich. La soprano file la chair de poule en Floria Tosca, en réponse  à un violoncelle solo émouvant, dans des flagrantes réminiscences de Maria Callas. Elle manque cependant de discrétion chez Gounod : son incarnation de Juliette passe trop par le volume, suffisamment par la substance, et pas assez par le langage (la diction française restant à améliorer). Lorsqu’elle donne la réplique à Juan Diego Flórez, la mise en place est imparable, mais l’alchimie se fait désirer. Le ténor stupéfait par la densité de ses lignes, l’économie du souffle, alors que Plácido Domingo abuse quelque peu de poids instrumental. Dans « Ah! Lève-toi, soleil », il réitère l’excellence, aidé de Wiener Philharmoniker en floraison, avant de surprendre de nouveau sur « Una furtiva lagrima » : le temps qu’il dédie à la préparation de ses aigus ouvre des perspectives marines ; nous suivons le courant de vérité annoncé par la harpe et les pizz, dans un son lointain de vinyle. Des nuances plus assumées auraient été la cerise sur le gâteau de cet air, déjà digne d’éloges. Il se fait volontiers pardonner grâce à son interprétation chair de poule de Cucurrucucú Paloma, en s’auto-accompagnant à la guitare. Douleur et gloire, lumière et sublime. La joie de vivre qualifie le rappel de Sonya Yoncheva, la délectable valse « Ô Paris, gai séjour de plaisir » (Les cent vierges, de Lecoq). Prenons cela comme un hommage à la ville où elle a annulé dernièrement ses représentations de Tosca, comme son partenaire Jonas Kaufmann, qui choisit le compositeur hongrois Emmerich Kálmán (« Wenn es Abend wird (Grüß mir mein Wien) », de l’opérette Comtesse Maritza) pour un bis grisant. Les trois compères entament enfin le « Libiamo ne' lieti calici » de La Traviata, pulsé par les applaudissements du public.

Une telle salle et un tel déchaînement de foule ne nous éloignent pourtant pas de l’intimité avec ces artistes. Ils chantent pour toi, pour nous, pour vous. Voilà des « ambassadeurs » que nous pourrions bien appeler par leur prénom. Il n’y a pas que les diamants qui peuvent être nos meilleurs amis.

Thibault Vicq
(Milan, le 23 juin 2019)

Concert en replay sur Medici.tv, à voir ici


Gala des ambassadeurs Rolex - Teatro alla Scala


Gala des ambassadeurs Rolex - Teatro alla Scala

Crédit photo : Thibault Vicq

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