Zelmira (version concertante) à l'Opéra National de Lyon

Xl_evelino_pido © DR

Dans l'attente d'une version scénique de l'ouvrage, l'Opéra National de Lyon – en partenariat avec le Théâtre des Champs-Elysées – vient de redonner sa chance, en version de concert, à la (très) rare Zelmira de Gioacchino Rossini, dernier fleuron de sa période napolitaine. Avec Zelmira (créé en février 1822), le Cygne de Pesaro,ne fait pas seulement ses adieux au San Carlo de Naples, mais à l'Italie tout entière puisqu'un seul ouvrage y verra encore le jour : Semiramide suivante - donné ici même la saison dernière, également en version de concert - à La Fenice de Venise. Ouvrage de la maturité donc, ouvrage de transition également, qui tout en annonçant les chefs-d'œuvre de la période parisienne conserve les traits caractéristiques de ses prédécesseurs in loco : distributions s'articulant autour d'une prima donna (Isabella Colbran), et de deux primi tenori (Andrea Nozzari et Giovanni David), écriture vocale tour à tour limpide, élégiaque, ou diaboliquement virtuose.
Sans vraiment augurer les somptuosités belcantistes de Semiramide, Zelmira - tout en restant fidèle à des schémas stylistiques éprouvés - laisse transparaître une tension dramatique subtile et pénétrante. Dans le duo des voix féminines soutenu par la harpe et le cor anglais, la mélodie adopte une respiration d'une pureté et d'une luminosité qui ne sont pas sans évoquer Vincenzo Bellini.

La complexité du dessin vocale rend donc difficile l'exécution de l'ouvrage, surtout pour les deux ténors, confrontés davantage encore que dans Ermione ou La Donna del lago à des rôles écrasants d'une longueur et d'une virtuosité quasi inhumaines. Le baryténor russe Serguey Romanovsky (Antenore), s'appuyant sur une voix d'un volume et d'une amplitude exceptionnels, transcende les pièges d'une tessiture hérissée de vocalises qui, dans les profondeurs barytonales, s'élève jusqu'au suraigu. Il récolte les applaudissements les plus nourris, à son grand étonnement, au moment des saluts. Le ténor italien Antonino Siragusa (Ilio) – pilier du Festival de Pesaro où nous l'avons entendus l'an passé dans Armida – ne séduit pas d'emblée à cause d'une émission très nasale, mais possède, en revanche un instrument authentiquement rossinien dans sa texture comme dans sa projection. Il affronte avec courage et conviction les méandres les plus inextricables du fleuve musical.

Du coup, leur performance relègue presque au second plan la protagoniste, une Patrizia Ciofi qui achève le long et périlleux rondo final dans un visible état d'épuisement. Elle s'accommode néanmoins - avec son raffinement habituel et sa superbe science de la vocalise - d'une tessiture trop grave pour elle, et qui attend encore son interprète idéale (Ermonela Jaho ?). De son côté, la mezzo italienne Marianna Pizzolato, suivante de Zelmira, campe une admirable Emma. La voix sonne pleine sur toute l'étendue de la tessiture, de l'extrême grave au suraigu, avec un timbre d'une couleur magnifique, une aisance absolue dans la vocalise, et une insolente projection. Son grand air, au début du II, soulève l'enthousiasme du public. Malgré le poids des ans, la célèbre basse italienne Michele Pertusi incarne le vieux Polidoro avec un aplomb vocal qui s'affirme de plus en plus au cours de la soirée, tandis que la basse belge Patrick Bolleire, dans le rôle de Leucippo (confident d'Antenore) gratifie l'auditoire de son impressionnant registre grave.

Superbe prestation, enfin, du Chœur et de l'Orchestre de l'Opéra de Lyon, dirigé par le chef italien Evelino Pido - bien meilleur que de coutume ce soir -, artisan à part entière du succès remporté par le spectacle, auquel il confère à la fois élégance et sûreté. Accueil enthousiaste du public qui – fait très rare à Lyon – réserve à l'ensemble des artistes une standing ovation (amplement méritée).

Emmanuel Andrieu

Zelmira de Gioacchino Rossini – A l'Opéra de Lyon les 8 et 10 novembre, puis au Théâtre des Champs-Elysées le 14 novembre 2015

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