Une Somnanbule soporifique au Teatro Regio de Turin

Xl_b2ap3_large_01-la-sonnambula-foto-ramella--giannese © Edoardo Piva

Absente à l’affiche du Teatro Regio de Turin depuis vingt années, La Somnambule de Vincenzo Bellini recèle, par-delà son intrigue toute simple, des pages d’un impact mélodique extraordinaire, qui mettent le plus souvent à rude épreuve la technique et la sensibilité d’un chef d’orchestre. Dans la cité piémontaise, Renato Balsadonna se montre d’une trop grande platitude dans l’expression, dirige sans la moindre étincelle de dynamisme, et se contente de suivre les solistes… empêchant complètement le public de s’impliquer dans l’action. Las, la reprise du spectacle de Mauro Avogadro (le même qu’il y a vingt ans…) n’arrange pas les choses : en voulant éviter le piège de l’image d’Epinal, l’homme de théâtre italien bascule dans celui de la froideur et de l’abstraction, en totale contradiction avec la musique du Cygne de Catane, qui plus est avec une direction d’acteurs proche du néant.

Las encore, la distribution ne se montre guère à la hauteur des enjeux belliniens. On oublie trop souvent que la partie d’Amina a été conçue pour une véritable coloratura d’agilita e di forza de l’envergure de Giuditta Pasta (qui créa le rôle… ainsi que celui de Norma !), avant que le personnage ne perde son identité à la fin du XIXe siècle et se voit confié à des sopranos coloratures légères, à la virtuosité époustouflante. La toute jeune soprano russe Ekaterina Sadovnikova appartient à cette seconde catégorie : elle apporte à l’héroïne une belle transparence du timbre et un legato pur, mais l’expressivité demeure souvent limitée et les vocalises manquent cruellement d’abattage, comme le démontre le rondo final. Nous n’avions pas aimé l’Elvino du ténor italien Antonino Siragusa la saison dernière à Lausanne, véritable « chien dans un jeu de quilles », comme nous l’écrivions alors - à l’instar de son collègue Celso Albelo quelques jours plus tôt dans Anna Bolena à Liège. Son émission continue de souffrir d’un excès d’agressivité, avec des aigus non seulement émis systématiquement en force mais en plus désagréablement nasals, la ligne de chant ne conservant rien d’élégiaque ni d’émouvant, conditions pourtant sine qua non pour rendre justice au rôle d’Elvino. Heureusement, les comprimari sauvent le spectacle du naufrage et tirent les spectateurs de l’ennui, grâce au Comte Rodolfo de Nicola Ulivieri, basse à la fois robuste et élégante, face à une Lisa surprenante qui possède, elle, l’étoffe d’Amina, la jeune soprano italienne Daniela Cappiello. Enfin, Nicole Brandolino (Teresa) et Gabriele Ribis (Alessio) n’appellent aucun reproche, tandis que le Chœur du Teatro Regio ne donne pas le meilleur de lui-même, lui aussi plombé par la direction mollassonne de Balsadonna.

Une soirée qui, avec ses deux entractes (pour une partition qui dure deux heures…), nous a paru bien longue…

Emmanuel Andrieu

La Sonnambula de Vincenzo Bellini au Teatro Regio de Turin, jusqu’au 20 avril 2019

Crédit photographique © Edoardo Piva
 

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