Une Norma en demi-teinte à l'Opéra de Rennes

Xl_norma © Laurent Guizard

Créée au Théâtre de Saint-Gall (Suisse) en 2016, puis donnée à l’Opéra de Nice l’hiver dernier, avant d'être reprise à l'Opéra de Rennes ces jours-ci, cette mise en scène de Norma imaginée par Nicola Berloffa – dont nous avions beaucoup aimé L’Italienne à Alger à Saint-Etienne en 2015, mais beaucoup moins son Ballo in maschera à Toulon la saison passée – est éloignée de toute banalité et de toute routine. Transposant l’action – avec l’appui de son décorateur Andrea Belli – à l’époque du livret (les années 1830), c’est une Norma nocturne qu’il a imaginée. Le décor unique d’un palais déliquescent, dans lequel vient s’adjoindre un espace plus intime et dépouillé pour certaines scènes, fait évoluer l’espace scénique autour du chœur et des solistes. Peu d’éléments scénographiques, donc, mais de somptueux costumes (conçus par Valleria Donata Bettella) et de magnifiques éclairages (signés par Marco Giusti). La soirée commence par la toilette d’un mort sur une pierre tombale posée de guingois, et finira sur cette même pierre avec, non pas une scène de bûcher, mais le passage à tabac de l’héroïne, victime du courroux populaire, avant que son père Oroveso ne transperce à coup d’épée le non moins infortuné Pollione…

Dans le rôle-titre, la soprano italienne Daniela Schillaci ne possède malheureusement pas le poids et la technique nécessaires pour rendre justice au drammatico d’agilita de Norma : notes prises par en dessous, vocalises savonnées, problème récurent de souffle et de ligne, la disqualifient d’emblée dans ce rôle que l’on sait ô combien écrasant ! Sa compatriote Claudia Pavone (Adalgisa) lui vole ainsi la vedette grâce à ses nombreux atouts : un timbre diapré, un grave d’une belle rondeur, une superbe agilité dans les vocalises, et une noblesse d’émission qui lui permet de livrer un chant de filiation néoclassique en parfait accord avec le concept de mise en scène. Et puis avec sa voix de soprano (et non de mezzo), cette heureuse découverte marque un retour à la véritable vocalita du rôle, telle que la voulait Vincenzo Bellini, et cela nous change des voix trop lourdes bien souvent entendues dans cet emploi.

Le ténor italien Angelo Villari s’inscrit dans la tradition des Pollione uniquement soucieux de faire du son, sans se préoccuper de nuancer un chant monolithique et sans souplesse. Las, tous ses aigus sont faux, tirant vers le bas ses partenaires dans les duos et trios. La basse grecque Christophoros Stamboglis campe un splendide Oroveso, aux accents d’une rare noblesse, faisant regretter que le Cygne de Catane n’ait pas davantage développer son rôle. Sophie Belloir (Clotilde) et Florian Cafiero (Flavio) complètent efficacement le plateau, à l’unisson d’un Chœur de l’Opéra de Rennes fort bien préparé par Gildas Pungier.

Dans la fosse, le chef allemand Rudolf Piehlmayer ne semble pas avoir bien mesuré la portée de l’ouvrage, ni sa spécificité stylistique. Sa confusion dans l’approche et son absence de style pertubent visiblement l’Orchestre de Bretagne qui manque dès lors de ligne, de phrasé et surtout de précision, certains instruments perdant carrément la mesure…

Emmanuel Andrieu

Norma de Vincenzo Bellini à l’Opéra de Rennes, jusqu’au 5 juin 2018

Crédit photographique © Laurent Guizard

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