Une Cenerentola high-tech au Teatro Massimo de Palerme

Xl_cenerentola © Rossselina Garbo

L'homme de théâtre italien Giorgio Barberio Corsetti – dont on avait peu goûté le Don Carlo « en situation » au Festspielehaus de Baden-Baden à l'été 2014 – aime aussi  les transpositions. Pour cette nouvelle production de La Cenerentola de Gioacchino Rossini au Teatro Massimo de Palerme – en collaboration avec le Teatro delle Muse d'Ancône -, c'est à l'American way of life des années soixante qu'il a recours, via un procédé scénique qui lui est propre, et que nous avions pu découvrir lors de sa Belle Hélène d'Offenbach du Châtelet l'an passé. Pas de décors au sens traditionnel du terme ici, mais des images la plupart du temps créées en direct, par captation vidéographique, et projetées sur de grands écrans au fond - ou au dessus - du plateau. Les effets sont souvent drôles ou poétiques, comme cette séance d'habillage dans laquelle vêtements et robes se chevauchent les uns après les autres sur le corps d'Angelina ou cette image de deux cœurs dont les veines finissent par se rejoindre et s'enlacer pendant la scène de rencontre des deux héros. Mais si c'est amusant un moment, inattendu parfois, le procédé finit cependant par lasser sur un spectacle qui dépasse les trois heures...

Le grand agrément de cette représentation, c'est sa distribution vocale, plutôt jeune, enthousiaste, charmeuse. En Cendrillon/Angelina, la soprano sicilienne Chiara Amaru fait entendre une voix agile et pure, pleine de brio et de sensibilité, et dotée d'une belle palette de couleurs. Elle s'offre même le luxe d'élégantes appogiatures et de cadences personnelles bienvenues, tout en conférant à l'héroïne les accents tendres et émouvants que requiert son personnage. Son prince est le ténor américain René Barbera qui possède une voix inhabituellement surpuissante pour un chanteur rossinien, emplissant ainsi sans peine le vaste vaisseau qu'est la salle du Teatro Massimo. Il est par ailleurs un technicien hors-pair : ses Ut idéalement projetés et son agilité désarmante lui concilient ainsi toutes les faveurs du public.

De son côté, Paolo Bordogna – pétulant Dulcamara il y a deux saisons à l'Opéra de Marseille - se glisse dans les habits de Don Magnifico avec un vis comica et des talents d’acteur indéniables, doublé d'une maîtrise du chant sillabato tout simplement confondante. Le baryton italien Riccardo Novaro – applaudi tout dernièrement dans Cosi à l'Opéra de Toulon - campe un Dandini vocalement irréprochable, grâce à une ligne de chant superbement conduite et une incroyable aisance dans la vocalise. Dans le rôle d'Alidoro, son compatriote Gianluca Margheri affronte crânement l’impossible tessiture de son air « La del ciel », et parvient à s'approprier ce morceau de bravoure grâce à d'intelligentes variations dans la reprise. De leur côté, Marina Bucciarelli et Annunziata Vestri composent des personnages de sœurs plus coquettes et idiotes que méchantes, avec un sens aigu de l'ironie et un constant souci du style.

De la seconde distribution, entendue le lendemain, extrayons la contralto italienne Teresa Iervolino, qui chantait le rôle-titre, et dont on ne peut qu'admirer la plénitude du timbre, l'étendue du registre et la rare virtuosité. Les parisiens pourront juger « sur pièce », puisqu'elle interprétera le rôle à l'Opéra Bastille en fin de saison prochaine.

Saluons, enfin, la battue incisive du directeur musical de la maison, le chef italien Gabriele Ferro, qui s’attache à ciseler tous les contrastes de la partition, des nuances les plus délicates aux déchaînements les plus ébouriffants, et parvient à insuffler une superbe verve à l'Orchestre du Teatro Massimo.

Emmanuel Andrieu

La Cenerentola de Gioacchino Rossini au Teatro Massimo de Palerme – avril 2016

Crédit photographique ©  Rossellina Garbo

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