Une Aïda de luxe au Menuhin Festival de Gstaad

Xl_aidaa © Raphael Faux

Si le Menuhin Festival de Gstaad (qui fêtait sa 61e édition) est avant tout consacré au répertoire symphonique, à la musique de chambre et au récital instrumental, la voix y a cependant sa place, et quelques récitals lyriques viennent toujours l'émailler – comme en 2015 avec la venue de Cecilia Bartoli ou en 2016 avec le duo Angela Gheorghiu / Bryn Terfel. Grâce à une généreuse donatrice privée, c’est une représentation lyrique que le festival a pu offrir cette fois à son public, en l’occurrence une Aïda en version de concert (mais avec quelques colonnes couvertes de hiéroglyphes pour faire « couleur locale ») avec les meilleurs interprètes du moment… hors une erreur de casting.

Dommage qu’elle concerne le rôle-titre, la soprano américaine Kristin Lewis, qui ne parvient pas à convaincre, et qui ne possède d’Aïda que l’ampleur et le rayonnement de l’aigu. Sinon, la diction est épouvantable, l’intonation rarement assurée, les pianissimi et les graves absents, et le vibrato parfois excessif. En revanche, de Radamès, le ténor italien Francesco Meli – qui tenait le rôle aux côtés d’Anna Netrebko le mois dernier au Festival de Salzbourg – possède tout : voix au grain superbe, qualité de ligne et de diction, conviction et chaleur des accents, largeur d’émission… Il récolte un énorme triomphe personnel au moment des saluts.

Après son retentissant succès dans le même rôle en juillet aux Chorégies d’Orange, la mezzo géorgienne Anita Rachvelishvili obtient un triomphe spectaculaire après sa grande scène du premier acte. Elle le mérite amplement. Depuis la légendaire Ghena Dimitrova, dans les années 90, nous n’avons pas entendu pareil déferlement sonore, pareille autorité dans l’accent, pareille maîtrise de toute l’étendue de la tessiture, mais couplés ici avec une superbe science des sons filés. Elle vole sans peine – à l’instar des Chorégies d'Orange cet été – la vedette à Aïda, faisant de la fille du Pharaon le personnage central de l’opéra.

La Basse uruguayenne Erwin Schrott est un Ramfis de luxe, avec une voix solide qui se renforce toujours plus au cours de la soirée jusqu’à acquérir une assurance impressionnante. Nous ne pourrons malheureusement pas en dire autant de l'Amonasro du baryton italien Simone Piazzola, visiblement en méforme (alors qu’il nous avait enthousiasmé dans Simon Boccanegra à La Fenice et dans Luisa Miller à Verbier), et dont l’instrument peine à se faire entendre ce soir…Enfin, Giacomo Prestia campe un parfait Pharaon, tandis que Dario Pola (Un Messagero) et Eugenia Braynova (Una Sacerdotessa) s'acquittent fort bien de leur partie.

Le moins que l’on puisse dire, c'est qu’en termes de décibels, il s’agit bien ce soir d’une équipe surdimensionnée, même sous la vaste tente du festival. Au moins le chef italien Gianandrea Noseda peut-il en profiter pour faire sonner au maximum de ses possibilités le London Symphony Orchestra (dont il est le Premier chef invité) qui se répand ici en paroxysmes d’une intensité et d’une sûreté exceptionnelles. Le Chœur du Teatro Regio de Turin est à l’unisson, répondant au chef d’une seule voix, en affirmant une magnifique cohésion.

Avis aux aficionados, l’édition 2018 proposera une version de concert de La Walkyrie de Richard Wagner avec la plus grande star du chant mondial… alias Jonas Kaufmann !

Emmanuel Andrieu

Aïda de Giuseppe Verdi au Menuhin Festival de Gstaad, le 1er septembre 2017

Crédit photographique © Raphael Faux

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