Luisa Miller (en extraits) au Festival de Verbier

Xl_luisa_m © Nicolas Brocart

Chaque été, le Verbier Festival met à l'honneur le chant lyrique, que ce soit à travers des récitals d'artistes renommés ou des exécutions d'opéras en version de concert. Cette année, des artistes comme Angela Gheorghiu, Pretty Yende, Mark Padmore, Matthias Goerne ou Joyce Di Donato enchanteront l'auditoire international de la très chic station de montagne suisse. Un seul opéra leur est proposé lors de cette 22ème édition, en revanche, et seulement sous forme d'extraits : Luisa Miller de Giuseppe Verdi.

Souvent considéré comme une période ouvrant une période plus « intimiste » de Verdi, Luisa Miller – issu de Intrigue et amour de Schiller – n'est pas un opéra facile à interpréter. Cette difficulté tient essentiellement à la nature extrême des sentiments exprimés dans un contexte social qui ne s'y prête guère : Luisa est une paysanne trop naïve, son père un brave homme plutôt simple, Federica, une obscure duchesse peu scrupuleuse ; Rodolfo, lui-même, n'est qu'un fils à papa velléitaire, incapable d'utiliser les arguments de chantage dont il dispose. Mais voilà ! Verdi les a tous dotés d'une musique sublime...

Remplaçant Sonya Yoncheva initialement annoncée, la soprano italienne Erika Grimaldi bute sur les réminiscences donizettiennes de la partition, manque d'agressivité dans les passages spinto, de puissance vocale dans les ensembles, et n'émeut à aucun moment. Second invité de dernière minute - c'est Ildar Aabdrazakov qui était prévu -, la basse helvético-ukrainienne Vitalij Kowaljow incarne le comte Walter à la perfection, et sa voix d'un beau métal apporte toute l'autorité nécessaire à ce personnage hautain et méprisant. Un mois après l'avoir entendue dans l'Orfeo de Gluck au San Carlo de Naples, la mezzo italienne Daniela Barcellona est une Federica de luxe : le rôle est court et peu gratifiant, mais elle lui confère un relief inattendu. De son côté, David Shipley est un Wurm impeccablement chantant, mais insuffisamment maléfique lors de sa courte intervention. Admiré dans Simon Boccanegra en début de saison à La Fenice de Venise, Simone Piazolla possède ces qualités de baryton Verdi que sont la chaleur du timbre, la beauté du phrasé et l'ampleur de l'émission. Enfin, dominant la distribution, le ténor polonais Piotr Beczala prouve - une fois de plus - qu'il connaît les règles du beau chant. Il apporte tout son art de la nuance à Rodolfo, recueillant une véritable ovation au rideau final.

L'Orchestre du Verbier Festival Orchestra – composé de jeunes instrumentistes issus de conservatoires des quatre coins du globe - joue sans faille et avec une belle transparence, sous la direction du grand chef italien Gianandrea Noseda, qui le conduit vers des sommets dramatiques dans le long épilogue.

Deux bémols à apporter à la soirée cependant. Pourquoi avoir « saucissonné » la magnifique partition de Verdi (plutôt que la donner dans son intégralité, en version de concert) et pourquoi avoir couplé l'ouvrage avec Les Danses symphoniques de Sergueï Rachmaninov en seconde partie de soirée qui - si elles ont été exécutées avec maestria par Noseda et sa jeune phalange – n'entretiennent cependant aucun rapport, de près comme de loin, avec le chef d'œuvre de Verdi ?...

Emmanuel Andrieu

Luisa Miller (extraits) de Giuseppe Verdi au Festival de Verbier – Le 20 juillet 2015

Les Temps forts du 22ème Festival de Verbier

Crédit photographique © Nicolas Brodard

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