Une Aïda « à demi » aux Soirées Lyriques de Sanxay

Xl_10-0032-aida-2019-presse-david_tavan-07-08-19 © David Tavan

C’est Aïda qui a été choisie pour fêter le vingtième anniversaire des Soirées Lyriques de Sanxay, le petit festival qui s’invite désormais dans la cour des grands, grâce à la passion et à la pugnacité de Christophe Blugeon, son directeur-fondateur, aidé par une armada de bénévoles qui contribuent à la réussite de la manifestation poitevine (en s’occupant tant de la création des décors et des costumes, que du placement des spectateurs ou de l’organisation de points de restauration). Il est vrai que le site gallo-romain de Sanxay, important lieu de cure thermale et de pèlerinage jusqu’au IVe siècle, constitue un écrin idéal pour ces représentations en plein-air (malgré les aléas climatiques, nous y reviendrons…), et il est devenu en deux décennies un rendez-vous incontournable de l’été lyrique hexagonal, accueillant chaque année des chanteurs de dimension internationale, souvent issus des pays de l’Est, comme c’est le cas ce soir pour tous les rôles principaux.

Et comme à sa bonne habitude, ce sont de vraies pépites vocales que l’heureux directeur est allé dénicher pour un public venu en masse assister aux trois représentations proposées, la dernière du 14 août à laquelle nous avons assisté ne faisant pas exception. La soprano russe Elena Guseva (qui vient d’interpréter le rôle rien moins qu’à la Staatsoper de Vienne) est une superbe Aïda : ses accès de révolte soulèvent l’admiration car la voix est aussi brillante que puissante, et passe sans peine la rampe de l’orchestre placé en contrebas de la scène. Mais pour autant, les pianissimi de l’air du Nil sont parfaitement exécutés, et l’Ut n’est pas escamoté (comme bien souvent par nombre de ses consœurs). La mezzo pétersbourgeoise Olesya Petrova - qui vient, elle, de chanter la partie d’Amnéris au Metropolitan Opera de New-York - possède également une grande voix, aux graves capiteux, et, comme sa collègue, ne connaît pour autant nulle difficulté à attaquer piano dans l’aigu, comme le prouve un superbe « Ah vieni amor mio », au II. C’est cependant le Radamès du ténor géorgien Irakli Kakhidze qui fait la plus forte impression, grâce à un héroïsme vocal et un rayonnement sensible inattendu, coulant dans un même éclat la tendresse de l’amant et la virilité martiale ! De son côté, le baryton ukrainien Vitaliy Bilyy (souvent applaudi au Théâtre du Capitole, comme l’an passé dans Macbeth ou en 2017 dans Lucia) nous gratifie une nouvelle fois de sa voix sonore et parfaitement maîtrisée. Satisfecit total également pour le Ramfis de haute stature et de grande allure de la basse coréenne In Sung Sim, tandis que la basse géorgienne Nika Guliashvili se montre plus à la peine dans le rôle de Pharaon. Enfin, la Grande Prêtresse de Sophie Marin-Degor autant que le Messager de Luca Lombardo n’appellent aucun reproche.

La réussite musicale du spectacle doit aussi beaucoup au chef italien Valerio Galli qui met tous ses efforts à unifier les forces du festival, même s’il y réussit mieux avec un orchestre très homogène (des instrumentistes essentiellement issus de nos opéras de région) qu’avec des chœurs qui ont parfois un peu plus de mal à s’accorder. La partition est servie avec clarté et probité, les solistes bénéficient d’un soutien précieux et l’orchestre nous réserve quelques moments de grâce, tel l’accompagnement de l’air du Nil par exemple. Surtout, nous avons en permanence le sentiment d’un vrai travail de troupe, dans le meilleur sens du terme.

La reconstitution historique, tant dans les décors que les costumes (signés tous deux - avec autant de talent que de bon goût - par Jérôme Bourdin), prédomine dans le travail de Jean-Christophe Mast, comme déjà constaté lors de la saison 17/18 à l’Opéra de Toulon, à l’occasion d’une production de Nabucco. A nouveau, le metteur en scène français s’attache avant toute chose à assurer la lisibilité de l’action, en offrant une mise en scène on ne peut plus classique, même pour la direction d’acteur (c’est-à-dire un peu trop frontale à notre goût…). Mais cette dernière est heureusement (et avantageusement) variée et animée par les chorégraphies toujours à-propos de la talentueuse Laurence Fanon. On nous avait promis une belle trouvaille pour la scène finale, mais las, la pluie s’est invitée au début du troisième acte, et le spectacle n’a jamais pu reprendre, laissant un goût d’inachevé (et une pointe de frustration) à une soirée qui avait pourtant débuté sous les meilleurs auspices…

Emmanuel Andrieu

Aïda de Giuseppe Verdi aux Soirées Lyriques de Sanxay, le 14 août 2019

Crédit photographique © David Tavan

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