Nabucco en clôture de saison à l'Opéra de Toulon

Xl_nabucco2 © Frédéric Stéphan

Quelques jours seulement après la dernière à l’Opéra de Nice, c’est à l’Opéra de Toulon que cette production de Nabucco imaginée par Jean-Christophe Mast poursuit sa route, avec la même distribution, mais pas le même chef. Futur directeur de la phalange toulonnaise (il prendra ses fonctions en septembre), le chef néerlandais Jurjen Hempel partage avec Gyorgy Rath (présent dans la fosse niçoise) les mêmes tempi modérés. A défaut d’offrir une lecture toujours inspirée, du moins sa baguette offre-t-elle une version très équilibrée du premier chef d’œuvre de Giuseppe Verdi.

Dans le rôle-titre, le baryton russe Sergey Murzaev fait preuve d’une belle allure scénique et d’une voix solide dans le grave. Mais le phrasé comme la musicalité restent sommaires, le chanteur accusant de réelles insuffisances par rapport aux aspects belcantistes de l’écriture, comme dans la cabalette « Dio di Giuda ». De son côté, sa consoeur Raffaella Angeletti impressionne plus par sa capacité à délivrer ses aigus avec une puissance dévastatrice que par ses pianissimi éthérés (qu’une Abigaïlle digne de ce nom se doit de posséder aussi…), mais le fameux air « Anch’io dischiuso » et sa mort dans la scène finale touchent le cœur du spectateur, également sensible à la manière dont la soprano italienne négocie les meurtriers écarts de registre dans « Salgo gia del trono aurato ». La meilleure satisfaction de la soirée est la basse russe Evgeny Stavinsky qui incarne un Zaccaria à la technique et au style irréprochables, avec une voix profonde et sonore. Le rôle d’Ismaele est confié au ténor mexicain (et rossinien) Jesus Leon, qui s'avère un peu dépassé par une écriture très centrale et plus dramatique que le caractère secondaire du personnage ne le laisse supposer. C’est d’autant dommage que le timbre est magnifique et qu’il possède toutes les qualités d’un ténor lyrique léger… qui serait formidable à écouter dans le répertoire bellinien ou donizettien ! La jeune mezzo nantaise Julie Robard-Gendre fait sensation en Fenena, avec notamment son très beau legato, tandis que Nika Guliashvili campe un Grand Prêtre de Baal de grande prestance, Florina Ilie une touchante Anna et Frédéric Diquero un Abdallo sans histoires. Quant au chœur maison, renforcé par celui de l’Opéra de Nice, il se montre pleinement convaincant, notamment dans un très émouvant « Va pensiero », abordé pianissimo pour ensuite s’envoler tout en gardant un bel élan.

Côté proposition scénique, on ne peut s’empêcher de regretter que le travail de Jean-Christophe Mast s’en tienne à une approche essentiellement illustrative, en composant des tableaux la plupart du temps peu vivants (hors les chorégraphies très intéressantes et énergiques de Laurence Fanon), laissant ainsi à la musique de Verdi le soin de les animer. Les décors – stylisés et minimalistes (un grand escalier et des panneaux de bois sombres qui descendent et remontent dans les cintres dans un va-et-vient permanent) – sont conçus par Jérôme Bourdin (qui signe également les superbes costumes : beiges pour les hébreux, noirs pour les assyriens), mais c’est surtout les savants éclairages de Pascal Noël qui apportent le dramatisme à l’ensemble, plus qu’une direction d’acteurs plutôt discrète...

Emmanuel Andrieu

Nabucco de Giuseppe Verdi à l'Opéra de Toulon (juin 2018)

Crédit photographique © Frédéric Stéphan

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