Un charmant Elixir d'amour de Donizetti au Théâtre du Capitole

Xl_2_-_l_elixir_d_amour_-_vannina_santoni__adina__-_cr_dit_patrice_nin © Patrice Nin

Déjà vue à l’Opéra de Marseille en décembre 2014, la production signée par Arnaud Bernard de L’Elixir d’amour de Gaetano Donizetti ravit à nouveau, et c’est guilleret que l’on se surprend à sortir du Théâtre du Capitole. Avec l’aide de son complice William Orlandi (pour les décors de les costumes), l’homme de théâtre français transpose l’ouvrage à la frange des XIXe et XXe siècles, au sein d’une société paysanne encore toute imprégnée des valeurs du passé, fort attentive aux évolutions et aux nouveautés. Le spectacle s’inscrit dans l’esthétique de la photographie alors encore balbutiante pour le grand public : celle du noir et blanc au grain superbe, celle des teintes sépia qui parle tant à l’imaginaire et au cœur, celle des autochromes subtils et délicats des Frères Lumière… Des panneaux coulissants s’entrecroisent tels un objectif ancien d’appareil photographique, donnant à voir et à découvrir toute une imagerie d’antan, du ballet des bicyclettes (la ravissante et capricieuse Adina en tête de cortège) à la limousine dernier cri de Dulcamara, en passant par le chapiteau d’un petit cirque de province et les projections « publicitaires » de la lanterne magique du bon docteur…
Arnaud Bernard règle un jeu scénique qui s’inscrit dans un axe de délicatesse de ton et une vraie sobriété, avec des « arrêts sur images » ou des « mouvements décomposés » d’une beauté à couper le souffle. Aucune mièvrerie, aucune pesanteur dans cette approche (Belcore et Dulcamara échappant aux outrances dont ils sont trop souvent accablés, pour renouer avec la comédie pure), qui privilégie l’évolution naturelle des sentiments de Nemorino et d’Adina, en gommant tout aspect « folklorique ». Pour autant, le rythme apparaît constamment soutenu, dynamique même, respectueux de la musique, et baigne dans un esprit dévoué à la fraîcheur et à la tendresse…

Le bonheur procuré par la soirée provient aussi d’un plateau vocal plus que convaincant. Ainsi a-t-on le plaisir de retrouver en Nemorino (il était déjà présent à Marseille…) le jeune ténor italien Paolo Fanale, venu en dernière minute remplacer un collègue défaillant. Il offre à nouveau à son personnage son merveilleux naturel, et séduit par sa capacité d’allègement, sa science des demi-teintes et sa facilité dans le registre supérieur, qui lui valent un triomphe après l’exécution du fameux air « Una furtiva lagrima ». La soprano corse Vannina Santoni concède une incroyable énergie et une belle malice à son Adina, demeurant musicale tout au long de la soirée, avec une voix plus corsée que de coutume dans cet emploi. Scéniquement belle comme un camée, on se régale également de son timbre tout en filigranes argentés. Le baryton romain Sergio Vitale possède toute l’arrogance de Belcore, mais peut-être pas toute la prestance, ni toute la souplesse telles qu’exigées par les vocalises de son air d’entrée. De son côté, Marc Barrard (Dulcamara) semble en méforme ce soir : l’acteur demeure exceptionnel, mais le chanteur se retrouve régulièrement à court de timbre et de projection, a contrario de la pétulante Giannetta de Céline Laborie.

Le chef italien Sesto Quatrini – grand habitué du festival de Martina Franca où nous l’avons entendu à deux reprises – souscrit visiblement aux idées de la mise en scène : sa direction élégante et raffinée souligne aisément toutes les qualités d’un spectacle qui, décidément, sait allier avec intelligence et pertinence, rire, poésie et mélancolie.

Emmanuel Andrieu

L’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti au Théâtre du Capitole, jusqu’au 6 mars 2020

Crédit photographique © Patrice Nin

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