Un Belle-Hélène antico-futuriste à l'Opéra des Landes

Xl_soustons © Max Loubère

Depuis près de vingt ans, Olivier Tousis fait vivre le genre lyrique au cœur des Landes, à Soustons, et propose pour la dix-huitième édition de son festival Opéra des Landes une lecture drolatique de La Belle-Hélène, en ces temps de commémoration du bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach. Disons d’emblée que le spectacle imaginé par le directeur-fondateur de la manifestation landaise, puisqu’il signe lui-même les titres qu’il propose, se déguste le sourire aux lèvres et la joie au cœur. Il recrée pour l’occasion une Grèce antique de fantaisie, mais mêlée à des éléments futuristes qui rappellent la Guerre des étoiles (sabres-laser à l’appui !) ainsi que les (super) héros des Comics Marvel (Agamemnon est pourvu du célèbre gant de Thanos). La scénographie (conçue par Kristof T’Siolle, qui signe également les costumes avec Olivier Tousis) s’avère également dans l’esprit de la bande dessinée, avec des personnages drôles en veux-tu en voilà, de la gaieté, des couleurs éclatantes, parfois même fluo (ambiance rave party), auxquels il faut ajouter quelques sympathiques anachronismes comme il sied à ce type d’ouvrages dont les références au temps de Napoléon III ne peuvent qu’échapper aux spectateurs contemporains. Grâce à juste ce qu’il faut de gags et à un bon timing, la soirée file à bonne allure, sans temps mort aucun.

Sur le plan vocal, la distribution n’a pas grand-chose à envier à celles réunies généralement dans nos principaux opéras de Province. Frédérique Varda campe ainsi une Hélène (ici soprano, comme l’était d’ailleurs Hortense Schneider, la créatrice du rôle…) de grande classe : elle fait immanquablement penser – tant par son physique que par ses poses et mimiques – à Françoise Dorléac, autant dire qu’elle est une comédienne de talent, offrant une interprétation des plus plaisantes, avec une voix agréable et à la diction sans faille. Le héros de la soirée est cependant Matthieu Justine qui campe un Pâris de rêve avec son insolent registre aigu qui lui permet de sortir des contre-Ut en cascade dans le fameux Yodel à la fin de l’ouvrage. Ajoutons à cela que le timbre est très séduisant et que ses talents d’acteur ravissent, et le lecteur comprendra qu’il fait partie des talents prometteurs parmi les jeunes ténors français. Avec un timbre percutant, le ténor basque Jean Goyetche (Ménélas) joue parfaitement son rôle de mari ridicule. De son côté, Marc Souchet (Agamemnon) réussit son entrée car il s’impose dès le début avec sa voix puissante, son jeu engagé et exemplaire, mais aussi sa capacité à détacher tous les mots (et à les faire vivre…), autant dire qu'il est un grand roi ! Le bondissant (au sens propre du terme) Matthieu Toulouse campe un Calchas hors-pair, avec une voix puissamment timbrée et un jeu constamment en alerte. Il forme – avec les deux derniers compères précités – un trio endiablé dans l’acte III, passage peut-être le plus extraordinaire de la représentation, car il n’y a aucune baisse de tension pendant les cinq minutes qu'il dure (c’est le fameux « trio patriotique », qui parodie le tout aussi célèbre trio du deuxième acte de Guillaume Tell de Rossini). Les rôles plus secondaires sont parfaitement tenus à commencer par le désopilant Achille de Thomas Marfoglia, constamment en train d’exhiber ses biceps. Les deux Ajax (Fabio Sitzia et Fabrice Foison) sont également très drôles, notamment dans leur joute au sabre-laser. Maela Vergnes est un Oreste parfait, bien chantante malgré le fait qu’elle soit en état d’ébriété la soirée durant, tandis que Clémence Lévy (Parthénis) et Anaïs de Faria (Léoena) sont chipies à souhait.

A la tête d’une douzaine d’instrumentistes (essentiellement des professeurs de Conservatoires de la région), le jeune chef français Philippe Forget – qui avait retenu notre attention dans La Belle au bois dormant de Respighi au Théâtre de la Croix-Rousse l’an passé – se montre tout aussi excellent pour diriger cette petite pépite de partition, interprétée ici avec la légèreté, l’ironie et l’humour dont elle ne peut faire l’économie, comme lorsque la fanfare à l’acte II joue de plus en plus faux au point où cela en devient insupportable.

Bravo à tous et l’on prend déjà rendez-vous l’été prochain pour cet attachant festival qui prouve que de gros moyens financiers et de grandes têtes d’affiche ne sont nullement nécessaires pour générer l’enthousiasme !

Emmanuel Andrieu

La Belle-Hélène de Jacques Offenbach à l’Opéra des Landes, jusqu’au 24 juillet 2019

Crédit photographique © Max Loubère

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