Thamos, Roi d'Egypte : un Mozart très rare à l'Auditorium de Lille

Xl_tthamos_de_mozart___lille__c__ugo_ponte © Ugo Ponte

L’Orchestre National de Lille propose lors de chacune de ses saisons quelques titres lyriques et il a maintenu son projet, malgré la crise sanitaire, de donner le rare Thamos, Roi d’Egypte de Wolfgang Amadeus Mozart, dans une version de concert enrichie d’images vidéo. Car il n’est pas facile redonner de vie – et consistance – à cet ouvrage ambigu commandé au compositeur autrichien en 1773 par le baron von Gebler. À l’origine il s'agit de deux chœurs et quatre morceaux symphoniques (que Mozart complètera en 1779 par un air soliste avec chœur) qui s’insèrent dans la vaste tragédie conçue par Gebler en personne. Bref, une musique de scène avec en filigrane le contexte maçonnique qui s’impose déjà – bien qu’à cette date Mozart n’ait sans doute pas été très averti de la franc-maçonnerie, non seulement proscrite mais alors persécutée par l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche. Mais il est indéniable que le compositeur était déjà imprégné par la philosophie des Lumières, et les éléments de sa future Flûte enchantée sont déjà en germe ici. L’argument est plus compliqué que dans Die Zauberflöte, mais l’on y retrouve déjà un Grand-Prêtre plein de sagesse (Sethos), décidé à faire triompher le bon droit, et un prince amoureux (Thamos) qui finira par accéder au trône après avoir épousé une belle princesse (Saïs). Bref, de Thamos à Tamino, il n’y a qu’un pas…

À la tête d’un Orchestre National de Lille en pleine forme, l’actuel directeur musical de l’Orchestre National de Lorraine, le chef belge David Reiland, dirige avec autant de fougue que de fluidité cette partition qui atteint souvent le sublime. C’est surtout le cas dans les parties chorales dans lesquelles le Chœur de chambre de Namur confirme la place prépondérante qu’il occupe dans les formations chorales européennes (superbe travail de Thibault Lenaerts).

Quant à l’unique chanteur soliste, la basse française François Lis (qui nous a récemment accordé une interview), il étonne toujours autant dans son air « Ihr Kinder Des Staubes, Erzittert » par la profondeur de ses graves, la franchise de ses aigus et la noblesse de ses accents.

Et pour ce qui est du concept scénique dû à Damien Chardonnet-Darmaillacq et des images vidéo de Denis Gueguin, ils se veulent un support visuel – plus symbolique qu’autre chose – à l’histoire originelle. On y voit une momie putréfiée reprendre peu à peu vie, et la chrysalide se transformer en véritable papillon sous les traits d’une (très belle) jeune fille, la princesse Saïs (incarnée ici par la comédienne Clara Hédouin). C’est un peu boursouflé, mais ça se laisse regarder sans déplaisir… et pour conclure, signalons au lecteur que le spectacle sera repris en novembre prochain à l’Auditorium de Lille, s’il préfère le vivre « de l’intérieur » plutôt que devant son écran !

Emmanuel Andrieu

Thamos, König in Ägypten de W. A. Mozart à l’Auditorium de Lille, le 5 mai 2021

Crédit photographique © Ugo Ponte

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