Teodor Currentzis dirige un flamboyant Requiem de Verdi au Grand-Théâtre de Genève

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Dix jours après son éclatant succès dans la même œuvre à la Philharmonie de Paris, c’est au Grand-Théâtre de Genève que le démiurge russo-grec Teodor Currentzis livre sa vision tout en flamboyance du Requiem de Giuseppe Verdi. Après avoir donné une étonnante et déroutante exécution de La Clemenza di Tito dans la cité lémanique il y a deux ans - déjà à la tête de son ensemble MusicAeterna et du Chœur de l’Opéra de Perm (dont il est le directeur) -, le retour du trublion était plus qu’attendu par le public genevois, et le spectacle affichait complet depuis des mois.

Se pliant toujours au même cérémoniel, les artistes arrivent sur scène tous affublés de longues robes noires, les violonistes et altistes restent debout tout au long de l'1h30 que dure l’ouvrage, tandis que les cuivres se lèvent à chacune de leurs interventions afin de maximiser leurs effets. Les solistes vocaux portent des tenues plus variées, mais arborent la même couleur noire, tandis que le chef a endossé son habituelle chemise (noire) à col Mao, un pantalon lui moulant jambes et cuisses... et ses fameuses bottines en cuir à lacets rouges ! Comme pour chacun des ouvrages qu’ils sont amenés à exécuter, les instrumentistes alternent entre tempi distendus à l’excès (comme dans l’Hostias) ou au contraire pris à un rythme d’enfer (comme pour le Dies Irae). Ainsi théâtralisé, exaspérant les contrastes pour brosser une fresque d’une puissance exceptionnelle, l’ouvrage du Maître de Busseto semble ici plus une ode à la vie que destiné au repos des trépassés…

Un quatuor d’exception - quelque peu différent de celui de Paris - soulève également l’enthousiasme, à commencer par la voix lumineuse et aérienne de la soprano russe Zarina Abaeva (en troupe à l’Opéra de Perm), qui délivre toutes les affres d’un Libera me éthéré et bouleversant, après avoir rejoint le chœur pour se placer en son milieu. Le ténor ukrainien Dmytro Popov - naguère superbe Mario (Tosca) à la Semperoper de Dresde - émeut dans le fameux Ingemisco, grâce à son legato et à l’habileté des sons piani. La mezzo roumaine Hermine May éblouit par la conjonction d’un impeccable phrasé et d’une palette interprétative saisissante. Enfin, la basse germano-koweitienne Tareq Nazmi impressionne par une concentration, une solennité que ne distrait jamais l’élan puissant des grandes phrases. Grâce à ces quatre-là, le Lacrymosa atteint des sommets de crainte, d’espérance et d’amour ! Quant au chœur, il est de bout en bout magnifique : à une discipline irréprochable, il ajoute la chaleur humaine et le frisson de l’au-delà, indispensables, à toute bonne exécution du Requiem de Verdi.

Subjuguée, la salle retient un temps son enthousiasme, puis le laisse longuement déferler…

Emmanuel Andrieu

Requiem de Giuseppe Verdi au Grand-Théâtre de Genève, le 8 avril 2019
 

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