Stefano Mazzonis Di Prafalera signe une nouvelle production de Aïda à l'Opéra Royal de Wallonie

Xl_aida_-_cast_alvarez_-_presse-002 © Opéra Royal de Wallonie-Liège

Alors qu’il vient tout juste de signer une mise en scène alla Zeffirelli à Lausanne (cf : Anna Bolena de Donizetti), c’est une (nouvelle) production plus sage (visuellement parlant) que Stefano Mazzonis Di Pralafera propose cette fois dans son fief de l’Opéra Royal de Wallonie, alors même que le titre retenu - Aïda de Giuseppe Verdi - est peut-être l’ouvrage lyrique qui se prête le plus à la surcharge décorative (voire fastueuse). Mais que l’on ne s’y trompe pas pour autant, fidèle à son conservatisme bien connu (apprécié par les uns, honni par les autres…), Mazzonis joue néanmoins la carte de la fidélité historique, avec l’aide des non moins fidèles Jean-Guy Lecat pour les décors et Fernand Ruiz pour les costumes. Si ces derniers sont aussi chamarrés que somptueux, les premiers sont plus minimalistes que de coutume, une simple statue du Dieu Ptah trônant au milieu d’une pièce nue dans le premier et le dernier tableau (du plus bel effet cependant, pour ces deux scènes intimistes…), tandis que les jardins d’Isis font en revanche un peu cheap avec ses quelques rangées de papyrus, pour ne pas parler de la scène du triomphe qui n’a vraiment pas l’effet spectaculaire attendu : Pharaon se retrouve dans un petite tribune, entouré de quelques dignitaires, et voit défiler (en boucle) sous ses yeux les dix mêmes figurants, parmi lesquels on ne trouve nul esclave, mais tout un bestiaire de divinités animalières à tête de cobra, de chacal ou autre scarabée ... Fort réussies, par contre, s’avèrent les chorégraphies originales et stimulantes qui accompagnent cette fameuse scène, signées par la talentueuse chorégraphe belge Michèle Anne de Mey, et dont la « modernité » tranche avec le reste du spectacle.

Comme la plupart du temps à Liège, les premiers rôles sont distribués avec soin, mais il faudra néanmoins composer avec le retrait successif de Gianluca Terranova puis de Luciano Ganci, dans le rôle de Radamès, qui échoit finalement au célèbre ténor sicilien Marcello Giordani. Las, depuis la dernière fois que nous l’avons entendu, la voix a perdu de sa superbe. Affligée d’un horrible vibrato dont elle ne départira pas jusqu’à la fin de la soirée, la voix du ténor est également souvent prise en défaut de justesse, avec une ligne instable, et des aigus émis tous en force, enlaidis sous le poids de l’effort. A ce stade de condition vocale, nous craignons que cela ne soit pas qu'une simple méforme passagère... Par bonheur, le reste de la distribution s’avère d’un excellent niveau, et tente avec beaucoup de vaillance de recréer les fastes du grand-opéra verdien, à commencer par la frémissante Elaine Alvarez dans le rôle-titre, qui nous avait déjà enchantés in loco dans Ernani en 2015, puis dans Jérusalem (du même Verdi) en 2017. Si la largeur de la voix nous oblige à faire le deuil des sons filés de l’Air du Nil, on ne peut qu’admirer la façon dont la soprano cubano-américaine franchit tous les obstacles de la tessiture de soprano spinto qu’appelle cette partie (et qu’elle est !), arborant par ailleurs un registre grave nourri et des médiums charnus : sans jamais forcer ses moyens, elle dessine une Aïda passionnée et émeut profondément dans son grand air du III, ainsi que dans ses adieux à la vie.

Actrice plus sommaire que sa consœur (ah ces roulements d’yeux pour signifier jalousie et colère !), la mezzo géorgienne Nino Surguladze (également fidèle à la scène liégeoise : Marguerite de La Damnation en 2017 ou Carmen la saison passée) ne s’en laisse cependant pas compter, vocalement parlant, et impressionne par la puissance et la profondeur de son grave. Grand habitué des lieux également, le baryton wallon Lionel Lhote ne fait qu’une bouchée du rôle d’Amonasro, auquel il apporte sa voix coulée dans le bronze, ce qui ne l’empêche pas de dévoiler de tendres et paternels accents dans le duo avec sa fille. Il est également l’excellent comédien que l’on connaît, et chaque geste, chaque regard sonnent ici juste. De leurs côtés, le baryton italien Luca Dall’Amico campe un honnête Ramfis, tandis que son compatriote Luciano Montanaro sonne en revanche un rien laborieux dans le rôle de Pharaon. Une mention, enfin, pour les prestations remarquées du jeune (et très prometteur) Maxime Melnik (Un Messager) et de la toujours émouvante Tineke Van Ingelgem (Une Prêtresse).

Sous la battue de la cheffe italienne Speranza Scappucci, directrice musicale de la phalange wallone, l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie - et le chœur maison - donnent vraiment le meilleur d’eux-mêmes. Sa baguette équilibrée ne cède jamais à la tentation d’écraser les solistes sous la masse sonore dans les finales des deux premiers actes, et sait faire vibrer les moments d’intimité et de passion avec beaucoup de sensibilité, notamment la dernière scène qui semble comme suspendue dans le temps et l’espace…

Emmanuel Andrieu

Aïda de Giuseppe Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie, le 9 mars 2019

Crédit photographique © Opéra Royal de Wallonie-Liège

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