Reprise de Satyagraha chorégraphié par Sidi Larbi Cherkaoui à l'Opéra de Flandre

Xl_satyagraha-72dpi-media-use-crahi-rezvani-2018-5 © Rahi Rezvani

Lorsque le compositeur américain Philip Glass créa son second opéra Satyagraha en 1980 à Rotterdam, l’ouvrage n’eut guère d’échos dans la presse internationale. Il en va autrement de nos jours, à une époque où les mouvements pour la paix se font toujours plus nombreux, dont l’œuvre peut sembler être une sorte de symbole : Satyagraha signifie en effet « résistance passive ».

La musique de Glass contribue sans nul doute à une telle vision. Sa « minimal music » est une répétition des plus petites figures mélodiques, à peine différentes les unes des autres. Les structures rythmiques provenant de la musique indienne ont parfois la même sonorité que certains passages lancinants de Carl Orff. Cette musique possède le pouvoir d’hypnotiser, et, à la limite, celle d’arrêter le temps, sans pour autant être ennuyeuse, malgré les trois heures de spectacle. Les moments clés de la partition ne sont pas ces nouvelles structures qui se renouvellent, mais bien plus la rupture de ce celles-ci avec les anciennes. La formation orchestrale très importante dépasse rarement le mezzo-forte – les voix semblant glisser par-dessus –, et nous avons d’intéressantes possibilités de duos et d’ensembles. Voilà un ouvrage qui, si l’on est sans parti pris, procure des sensations musicale d’un nouvel ordre. Le texte, chanté dans la langue originale, le sanscrit, est issu de la Bhagavad-Gita relatant la vie du Mahatma. Mais la compréhension du livret n’est pas primordiale ; bien plus importante est la signification de chaque tableau de la vie de Gandhi, se voulant ici plus une suite de thèses que d’exploits dramatiques. Ce qui complique la compréhension de l’ouvrage reste le problème des différentes relations, d‘une part avec Toslstoï qui représente le passé, mais aussi le philosophe indien Tagore (le présent) ainsi que Martin Luther King (le futur).

L’opéra de Philp Glass trouve dans le chorégraphe belge Sidi Larbi Cherkaoui (qui nous avait plutôt déçu in loco en février dernier avec Pelléas) un maître d’œuvre de première classe à l’Opéra de Flandre, après que sa production a connu un grand succès lors de sa création berlinoise, l’an passé, dont nous avions rendu compte dans ces colonnes. On ne peut que renouveler la même admiration devant la qualité technique de l’Eastman Dance Company, tout autant que devant l’engagement physique des différents solistes qui se fondent avec beaucoup de naturel dans la masse des danseurs.

A la tête de l’Orchestre symphonique de l’Opéra de Flandre, le chef belge Koen Kessels souligne avec clarté les rythmes obstinés de la partition, tandis que le Chœur de l’Opéra de Flandre se joue des difficultés d’une partie où il a fort à faire. Le ténor américain Peter Tantsits apporte à Gandhi un matériel vocal modeste mais d’une très grande musicalité. L’élégance de la ligne et le subtil dosage des effets confèrent à son solo final une touchante humanité. La soprano japonaise Mari Morya (Miss Schlessen) et le jeune baryton britannique Robin Adams (Mr Kallenbach) soutiennent sans difficulté la tessiture aigüe de leurs rôles face au puissant Parsi Rustomji de Justin Hopkins. De son côté, la mezzo tunisienne Rihab Chaieb campe une imposante Kasturbaï, l’épouse de Gandhi, tandis que la mezzo américaine Raehann Bryce-Davis, souvent entendue sur cette même scène, nous gratifie une nouvelle fois de sa voix chaude et opulente à la fois. Enfin, les belges Tineke van Ingelgem (Mrs Naidoo) et Denzil Delaere (Arjuna) interprètent leur partie respective avec une belle richesse de timbre et un certain raffinement.

Emmanuel Andrieu

Satyagraha de Philip Glass à l’Opéra de Flandre, jusqu’au 2 décembre 2018

Crédit photographique © Rahi Rezvani

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