Peter Seiffert, Parsifal de rêve au Wagner Festival de Budapest

Xl_parsifal © Tamás Réthey-Prikkel / Müpa Budapest

Après un enthousiasmant Rienzi en version de concert, et un Ring également sous forme concertante auquel nous n’avons pu assister, le sixième titre proposé par le Budapest Wagner Festival cette année était Parsifal (ouvrage donné ici sous format scénique, ou du moins vendu comme tel, nous y reviendrons...). Surnommée le « Bayreuth du Danube », la manifestation hongroise en reprend en effet tous les codes : début du spectacle à 16 heure, une heure d’entracte entre chaque partie, impossibilité de rester dans l’Auditorium Bartok (où se tient le concert) pendant les pauses, et un ensemble de six trombones jouant une mélodie de Wagner pour annoncer la fin des entractes !

Comme pour Rienzi, Csaba Kael a réuni six protagonistes-célébrants parmi les meilleurs chanteurs wagnériens de notre temps. Depuis 25 ans qu’il interprète le rôle-titre, le ténor allemand Peter Seiffert ne cesse de nous éblouir dans un emploi idéalement adapté à son timbre clair et viril à la fois. Superbe d'intériotité, il est un Parsifal de rêve. La Kundry de la lituanienne Violeta Urmana s’impose dès son entrée. Celle que les écuyers comparent à une bête sauvage, et qui a déclaré « Je n’aide jamais ! », passe au deuxième acte par les extrêmes de la détresse, de la séduction et de la fureur. Pour Eric Halfvarson initialement annoncé, la basse allemande Albert Pesendorfer est un Gurnemanz plus grand que nature, et sa voix profonde et chaleureuse en fait un des héros indiscutés de la soirée. Récemment entendu dans cette partie à la Staatsoper de Berlin, l’estonien Lauri Vasar incarne avec une incroyable vérité le personnage d’Amfortas, et délivre par ailleurs un chant souverain. Enfin, le baryton hongrois Ferenc Cserhalmi campe un Titurel caverneux à souhait, tandis que l’airain dans la voix du baryton-basse allemand Jürgen Linn en fait un redoutable Klingsor.

On sera moins enthousiaste quant à la production confiée à la femme de théâtre magyare Alexandra Szemerédy, étrennée in loco lors de l’édition 2014 du festival. Certes, les contraintes d’un auditorium sans dégagement vers les cintres et les côtés réduisent les possibilités scéniques, mais de là à proposer quelque chose d’aussi basique et plat... Car, pour toute scénographie et principe dramaturgique, la metteure en scène s’est contentée de tapisser le sol d’un grand drap noir sur toute la surface de la scène, drap qui remonte jusqu'aux rangées d’arrière-scène. Au II, le drap n’occupe plus que la moitié de la scène et, au III, il disparaît tout à fait pour laisser place à un blanc immaculé. Avouons que cette symbolique de la propagation de la pureté au fur et à mesure de la représentation nous semble un rien paresseuse, d’autant que la direction d’acteurs - avec un chœur systématiquement configuré en rang d’oignons (photo) - est de la même eau, c’est-à-dire particulièrement discrète. La dernière image qui montre un enfant vêtu tout de blanc et qui libére une colombe finit d'enfoncer le clou (dans la parabole cul-cul la praline…).

Directeur musical de l’Orchestre symphonique de la radio hongroise (qui est en fosse ce soir), le chef hongrois Adam Fischer dispose là d’une phalange souple, puissante, diaphane, constituée de grands solistes qui jouent dans la parfaite unité. Le Chœur national de Hongrie, dirigé par Csba Somos, atteint la même perfection, dans la cohésion mais aussi dans l’interprétation du texte, admirablement intelligible comme pour un oratorio. Son effectif imposant se plie aux exigences du pianissimo le plus lumineux. 

Alors vivement la prochaine édition du Festival, qui se tiendra du 7 au 17 juin 2018, et qui offrira trois nouveaux titres du maître de Bayreuth : Der Fliegende Holländer, Tristan und Isolde et Tannhäuser !

Emmanuel Andrieu

Parsifal de Richard Wagner au Budapest Wagner Festival le 21 juin 2017

Crédit photographique © Tamás Réthey-Prikkel / Müpa Budapest
 

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