Patrizia Ciofi et Karine Deshayes : deux Reines s'affrontent dans Maria Stuarda à l'Opéra Grand Avignon

Xl_ms © Cédric Delestrade

Après Samson et Dalila à Bordeaux, I Due Foscari à Marseille ou Zelmira  à Lyon (avec déjà Patrizia Ciofi dans le rôle-titre), c'est à un autre opéra en version de concert auquel nous assistons : Maria Stuarda de Gaetano Donizetti à l'Opéra Grand Avignon.

Acclamée de nombreuses fois sur cette même scène (dernièrement dans Hamlet d'Ambroise Thomas), Patrizia Ciofi (Maria Stuarda) remporte tous les suffrages, le rôle de la reine déchue lui allant comme un gant. Grâce à un phrasé suffisamment incisif, la luminosité du timbre, la gamme étendue des coloris, et le tragique des accents, la soprano italienne confère toute la sensibilité et la noblesse requises par son personnage. La beauté de la cantatrice, l'élégance de ses gestes, la séduction de sa voix dessinent une (infortunée) souveraine d'Ecosse incontestablement fascinante, dont l'ultime air, « Ah ! Se un giorno da queste ritorte », tire les larmes. De son côté, Karine Deshayes (Elisabetta) se montre fabuleuse dès son air d'entrée. La voix n'a jamais paru aussi épanouie, veloutée et souple. Dans les passages les plus véloces, la mezzo française s'autorise des roulades savamment contrôlées, et d'intrépides sauts d'octave. Que la musique s'apaise, et c'est la plastique du son qui frappe, la rondeur avec laquelle chaque note se détache, galbée, précise. On espère la réentendre très vite dans ce répertoire... puisque c'est là son premier Donizetti !

Malgré une émission quelque peu nasale - et les scories d'un mauvais rhume -, Ismael Jordi n'en fait pas moins très bonne figure en Leicester. En plus d'un volume vocal certain, la voix est constamment bien placée, l'aigu facile, la vocalise aisée et bien exécutée, et il paraît évident que le ténor espagnol évolue sur un terrain qui lui convient parfaitement (comme il nous l'avait déjà démontré dans Anna Bolena à l'Opéra de Toulon il y a un an). La basse italienne Michele Pertusi campe également un Talbot d'exception. Sa longue fréquentation de Rossini et du répertoire romantique lui a permis d'acquérir une impeccable ligne vocale et un parfait sens de la nuance. On admire aussi son intelligence du texte, toujours d'une grande clarté et parfaitement émis, ainsi que la chaleur et la douceur particulières qui se dégagent de son chant. Deux jeunes chanteurs (à suivre) complètent efficacement la distribution : Ludivine Gombert, Anna d'une belle et touchante présence, et Yann Toussaint, Cecil au timbre riche et ductile.

A la tête d'un Orchestre Région Avignon-Provence qui ne cesse de nous surprendre, - et de Chœurs de l'Opéra Grand Avignon remarquablement préparés par Aurore Marchand -, le chef italien Luciano Acocella excelle à rendre la délicatesse de l'accompagnement, sans jamais sacrifier le nerf ou la vitalité du rythme. Une grande soirée de belcanto au terme de laquelle le public provençal ne boude pas son plaisir, offrant une interminable ovation à l'ensemble de l'équipe artistique.

Emmanuel Andrieu

Maria Stuarda de Gaetano Donizetti à l'Opéra Grand Avignon – les 24 & 27 janvier 2016

Crédit photographique © Cédric Delestrade

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading