Mariame Clément met en scène Le Nozze di Figaro au Staatstheater de Nuremberg

Xl_le_nozze © Ludwig Olah

Enchantés par sa Platée à l'Opéra National du Rhin en juillet 2014, moyennement convaincus par son Poliuto (Donizetti) au Festival de Glyndebourne l'été dernier, consternés par sa récente Armida (Rossini) à l'Opéra de Flandre, c''est plutôt enthousiastes que nous sommes sortis de cette production des Nozze di Figaro imaginée par Mariame Clément, présentée au Staatstheater de Nuremberg après avoir été étrennée, il y a deux ans, au Theater Dortmund. Dans des décors et des costumes (signés par la fidèle Julia Hansen) d'un XVIIIe siècle magnifiquement reconstitué, la prolifique (mais inégale) metteure en scène française parvient à rendre au récit son horlogerie interne et surtout sa dimension politique : le profil des personnages et la complexité de leurs relations, la lutte des classes et celle des sexes, le frémissement amoureux et l'allégresse du complot. Il souffle tout du long une mutinerie heureuse, mais aussi de gravité légère, que Clément impose avec une imagination toujours mozartienne, c'est à dire élégante.

La distribution réunie à Nuremberg, relativement jeune, a parfois quelques faiblesses vocales... que le jeu fait cependant en grande partie oublier. Le Figaro, si humain, du baryton bulgare Nikolaï Kornolsky, domine nettement l'ensemble, avec sa voix puissante, au grain rustique, et par une mobilité expressive qui suggère la vitalité instinctive de ce protagoniste. Face à lui, le Comte du baryton turc Levent Bakirci éprouve quelque difficulté à imposer son personnage, surtout vocalement. Mais son italien est en revanche parfait, et il tire bien son épingle du jeu grâce à Mariame Clément, qui a utilisé également au mieux les principales interprètes féminines. La canadienne Leah Gordon séduit à chaque instant par la maturité de son chant. Parfaite dans les nuances d'intensité, modulant avec délicatesse son timbre velouté, elle rend avec une égale justesse chaque note de la Comtesse, de la simple confidence au cri profond. Avec son gentil minois, sa fine silhouette et son espièglerie, Michaela Maria Mayer est destinée au rôle de la soubrette Susanna, mais la voix est malheureusement à peine audible, ce qui est rédhibitoire. C'est une toute autre satisfaction que procure le Cherubino de la mezzo suédoise Solgerd Isalv, qui récolte un beau succès personnel aux saluts, grâce à la beauté intrinsèque d'un timbre superbe, qu'on trouverait presque trop riche pour le personnage, ainsi qu'une qualité de phrasé de premier ordre. Les comprimari ne s'avèrent, en revanche, guère à la hauteur de l'enjeu, notamment la Marcellina de Leïla Pfister, à la voix trémulante d'un oie égosillée, et le Bartolo de Hans Kittelman, qui détonne plus qu'il n'est permis.

A la tête d'un Orchestre du Staatstheater de Nuremberg fort bien disposé, Guido Johannes Rumstadt se montre particulièrement attentif aux moindres inflexions du génie mozartien, avec un respect exceptionnel des demi-teintes. Grâce à un art subtil des gradations entre tempi vifs et tempi lents, et une attention constante portée au dialogue entre voix et instruments, le chef allemand a, la soirée durant, soutenu l'intérêt et placé les chanteurs dans un environnement favorable.

Emmanuel Andrieu

Le Nozze di Figaro de W. A. Mozart au Staatstheater de Nuremberg, le17 décembre 2015

Crédit photographique © Ludwig Olah

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