L'Opéra de Tours redonne vie à la Bérénice d'Albéric Magnard

Xl_b_r_nice © François Berthon

Grâces soient rendues à l'Opéra de Tours qui vient de redonner vie à Bérénice, opéra en trois actes d'Albéric Magnard (1865-1914), qui conte la triste fin des amours passionnées de Titus, devenu empereur à la mort de Vespasien, et de Bérénice, reine de Judée honnie par le peuple de Rome et qui devra, de fait, rejoindre son orient natal, le cœur brisé. Après neuf exécutions à l'Opéra-Comique en 1911, et malgré l'estime de nombreux critiques, cette magnifique partition connut ensuite l'oubli, hors une reprise à l'Opéra de Marseille en 2001. Plus encore que dans Guercoeur, son plus célèbre opus (guère plus représenté), il y a dans Bérénice une constante hauteur de ton, une richesse orchestrale, une écriture très savante pour les voix qui, ajoutées à un sujet d'une élévation toute classique, auraient pourtant dû retenir durablement l'attention des mélomanes. L'Opéra de Tours vient donc d'en révéler les beautés durables, grâce notamment à l'excellente préparation musicale de Jean-Yves Ossonce, maître des lieux et ardent défenseur de la musique française. Sous sa direction, l'Orchestre Symphonique Région Centre-Tours trouve de magnifiques accents, et enchante par sa superbe force de conviction.

Mais c'est également à Catherine Hunold que revient le mérite de cette résurrection réussie. Dans un répertoire qui est vraiment le sien (et dans lequel elle n'a pas de rivale aujourd'hui), avec une musicalité sans failles, et une diction particulièrement châtiée, elle donne de la reine de Judée un portrait aussi noble qu'émouvant, et dans son évolution toujours admirable de justesse. Belle et crédible en scène, à la fois ardente et nuancée, la magnifique soprano française affronte crânement le rôle-titre, et récolte un triomphe personnel amplement mérité au moment des saluts.

De son côté, le non moins excellent Jean-Sébastien Bou campe un Titus énergique et viril, et comble nos oreilles avec sa voix saine et admirablement conduite. En plus d'un chant empreint de raffinement et d'élégance, il maîtrise avec facilité les écueils d'une tessiture pourtant éprouvante. Dans des rôles plus modestes – puisque Bérénice est en fait un long duo d'amour entre deux personnages -, Antoine Garcin et Nona Javakhidze contribuent aussi à l'excellente reconstitution, dans le style élévé qui doit être le sien, de cet opéra rare.

Alain Garichot - déjà signataire in loco d'une très belle mise en scène du Pays de Guy Ropartz - a cherché à faire au mieux avec des moyens très réduits ; quelques rares éléments de décors (un colonne, un trône, la proue d'un navire), et seulement le jeu d'éclairages (signés Marc Delamézière) savants : la tragédie s'accomode d'autant mieux de la sobriété qu'il s'agit de mettre à nu les sentiments. Sur la scène de l'Opéra de Tours, chacun entre, sort et livre son âme, avec la plus grande sincérité, et l'on n'en demande pas plus. Le public tourangeau ne s'y est pas trompé, et a longuement et bruyamment manifesté son enthousiasme après le rideau final.

Emmanuel Andrieu

Bérénice d'Albéric Magnard à l'Opéra de Tours

Crédit phbotographique © François Berthon

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