Les rares et sublimes Scènes du Faust de Goethe au Victoria Hall de Genève

Xl_faust © Magali Dougados

Après le Faust de Gounod le mois dernier, le Grand-Théâtre de Genève - en collaboration avec le Victoria Hall qui accueille le concert - poursuit son exploration du mythe goethéen avec les rares (et sublimes !) Szenen aus Goethes Faust (Scènes du Faust de Goethe) de Robert Schumann, créées à l’Opéra de Cologne en 1863.  Illustrer cette œuvre sans grande continuité dramaturgique est une gageure, on le sait, et c’est donc sous un format concertant que l’institution romande a choisi de le mettre à son affiche. Le compositeur allemand, en effet, non content de conserver le texte original dans toute sa complexité et sa richesse, s’est surtout intéressé à la seconde partie du drame, pour ainsi dire privé de tout fil conducteur. Dans cette fresque, qui n’est pas un opéra mais un oratorio, les métaphores littéraires s’enchaînent sans aucune cohérence narrative tandis que les personnages se muent, dès la quatrième scène, en allégories plus ou moins mystiques.

Au pupitre de la magnifique salle de concert qu’est le Victoria Hall, située à deux pas du Grand-Théâtre et qui abrite les concerts symphoniques de la saison genevoise, le chef américain Ira Levin (en remplacement de Peter Schneider, souffrant) propose une lecture heurtée mais sans emphase inutile dans les péroraisons des deuxième et troisième parties. Les profils souvent tortueux de la ligne instrumentale sont sculptés avec une rare transparence par un Orchestre de la Suisse Romande des grands soirs, la retenue restant de mise jusque dans les chœurs dont la structure, parfois massive, ressort dynamisée par une telle délicatesse de traitement.

La distribution est dominée par le baryton d’une santé fougueuse de Markus Werba, qui insuffle un souffle quasi épique aux interventions de Faust ainsi qu’au long monologue du Dr Marianus. La basse allemande Albert Dohmen est tout aussi impressionnante dans ses diverses incarnations du Mal, la noirceur à la fois ample et burinée de son timbre ajoutant une touche de séduction insidieuse à une musique d’une sublime ambivalence dramatique. Dans la double partie de Gretchen et de La Pénitente, la soprano autrichienne Genia Kühmeier capte l’attention, offrant au public son timbre lumineux et ses phrasés délicats. De l’importante distribution se détache encore l’Ariel au ténor soyeux du suisse Bernard Richter, le Pater profundus sonore de la basse finlandaise Sami Luttinen, ou les interventions aériennes du Souci incarné par la soprano slovène Bernarda Bobro. Citons encore l'alto Nadine Weissmann et la mezzo Katija Dragojevic qui complètent dignement l'affiche en campant une mutitude de petits rôles. Enfin, le Chœur du Grand-Théâtre de Genève et la Maîtrise du Conservatoire populaire de musique font forte impression dans leurs nombreuses (et ardues) interventions. Au final, un succès aussi éclatant que mérité !

Emmanuel Andrieu

Scènes du Faust de Goethe de Robert Schumann au Victoria Hall de Genève, jusqu’au 3 mars 2018

Crédit photographique © Magali Dougados
 

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