Le duo Barbe/Doucet transpose La Bohème pendant les Années folles à l'Opéra national du Capitole

Xl_la_boh_me_au_th__tre_national_du_capitole © Mirco Magliocca

C’est une Bohème de Puccini aussi belle que touchante et originale que le Français Renaud Doucet et son compagnon québécois André Barbe (le premier s’occupant plus spécialement de la mise en scène et le second des décors et costumes) signent pour l'Opéra national du Capitole, avec une double distribution, pour un spectacle qui court jusqu’au 6 décembre.

Avant que la musique ne résonne, le rideau se lève sur le superbe décor d’un marché aux puces parisien. Grimée en Mistinguett, Musetta apparaît pour délivrer un des tubes de la célèbre chanteuse des Années folles, « ça, c’est Paris ! », accompagnée par l’excellent accordéoniste Michel Glasko (il interprètera, un peu plus tard, une variation sur la musique de Puccini, devant le rideau baissé, pour permettre le changement des décors entre deux tableaux). À ses côtés, une jeune femme au crâne rasé (en fait Mimi, atteinte visiblement par la phtisie de notre époque, le cancer) se traîne péniblement sur le plateau, avant de s’arrêter devant un gramophone que le brocanteur fait marcher en y posant un disque de... La Bohème. À peine l’enregistrement égrène-t-il les premières notes que l’orchestre prend le relais. L’opéra peut commencer ! Un rapide changement de décors à vue fait apparaître la mansarde des bohèmes, avec son inévitable poêle et son canapé élimé où se vautre Rodolfo. Le tableau suivant, le fameux Café Momus, offre un portrait très vivant des années 1920 où est transposée l’action, avec son petit peuple de Paris, mais aussi ses stars de l’époque : on y croise ainsi Pablo Picasso, Jean Cocteau ou Serge Diaghilev. A part ces clins d’œil (et l’avant-propos), la mise en scène reste très respectueuse du livret et bénéficie surtout d’une direction d’acteurs alerte et sensible.

Vannina Santoni est une magnifique Mimi. Avec sa grande voix lyrique au médium plein, aux graves solides et à l’aigu péremptoire, elle donne moins à voir la fragilité de l’héroïne qu’une sorte de dignité tragique transcendant la destinée de la cousette poitrinaire. Distribuer une soprano de ce type dans le rôle, c’est lui éviter d’emblée toute mièvrerie. Doté d’une voix solaire, le ténor arménien Liparit Avetisyan - pour Kévin Amiel initialement annoncé - aborde Rodolfo avec autant de facilité que de netteté, sans exagérer la corde sentimentale, et il négocie chaque phrase avec beaucoup de naturel. Bien que puissante et superbement projetée, la voix est capable de superbes demi-teintes dans les airs « Che gelida manina » ou « O Mimi tu piu non torni ». De son côté, le baryton russe Mikhaïl Timoshenko campe un Marcello à la fois lyrique et puissant, toujours soucieux de faire vivre un personnage complexe. La pétillante Marie Perbost joue Musetta avec beaucoup de chien, mais son éclat n’est pas seulement scénique, sa voix fraîche possédant toute souplesse et le brillant requis. Le Schaunard chaleureux d’Edwin Fardini et le Colline superlatif de Julien Véronèse (qui nous a accordé récemment une interview) complètent un quatuor de bohèmes particulièrement crédibles. Enfin, le Chœur et la Maîtrise maison font grande impression par leur tenue.

En fosse, le chef italien Lorenzo Passerini a visiblement comme objectif de dévoiler sous son jour le plus lyrique la musique de Giacomo Puccini. Si le son de l’Orchestre national du Capitole est somptueux, et si l(on entend ici ou là des détails magnifiquement ciselés, il dirige néanmoins souvent beaucoup trop fort, couvrant à maintes reprises les chanteurs qui se voient obligés de se démener à pleins poumons. Mais ce sera l’unique bémol à apporter à une soirée qui a soulevé l’enthousiasme du public toulousain !

Emmanuel Andrieu

La Bohème de Giacomo Puccini à l'Opéra national du Capitole, jusqu’au 6 décembre 2022

Crédit photographique © Mirco Magliocca

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