La Damnation de Faust à l'Opéra National de Lyon

Xl_damnation © Bertrand Stofleth

Nous déplorions - au début du mois – le caractère incohérent et gratuit de la mise en scène de Calixto Bieito dans Tannhäuser à l'Opéra de Flandre. Avouons que le hongrois David Marton bat à plates coutures son collègue catalan avec son travail sur La Damnation de Faust de Berlioz - tel que présenté ces jours-ci à l'Opéra National de Lyon. Que voit-on cette fois ? Un pont en béton détruit sous lequel attend patiemment un cheval blanc, du côté droit, et un pick-up des années 60, sur la gauche, tandis que le fond dévoile un paysage de montagnes arides. Le tout est recouvert par une bâche blanche en seconde partie de soirée : voilà pour la scénographie aussi hideuse qu'absurde. Côté action, on voit tour à tour des enfants effectuer une cérémonie d'inauguration (de quoi ? on ne sait pas...), des images vidéos de la vie quotidienne d'une famille américaine dans les années soixante-dix, une petite fille qui tourne sur elle-même pendant plusieurs minutes, une longue scène de vivisection... sans qu'aucun fil ne relie ces scènes entre elles. Mais bien plus irritant - qu'imposer aux spectateurs des scènes énigmatiques et ennuyeuses - est le fait que David Marton tripatouille à l'envi la partition de Berlioz : des textes tirés du Faust de Goethe sont ainsi intercalés entre les vers de Berlioz (parfois en anglais, c'est plus « chic »...) et des airs en principe chantés par les solistes sont finalement déclamés (le « Ô pure émotion » de Mephisto) ou dédoublés (le duo d'amour entre Faust et Marguerite) par le chœur. Bref, voilà bien la proposition scénique la plus désolante que nous ayons vue cette année !

Par bonheur, le plateau vocal offre de bien meilleures satisfactions. René Schirrer retrouve, toujours avec le même entrain, le rôle bref de Brander. Charles Workman offre un Faust clair et articulé : sa prestation avec des ut dièses atteints sans difficultés grâce à la voix mixte ne déçoit pas. De son côté, Laurent Naouri campe un Méphistophélès élégant, insinuant, véritablement diabolique, sans recourir jamais à des effets appuyés. Enfin, la mezzo américaine Kate Aldrich - déjà applaudie in loco dans le rôle de Carmen en mai dernier - possède de nombreux atouts en Marguerite : sens de la ligne, naturel de la diction, instinct dramatique et sensualité à fleur de peau. 

Grâce à la baguette de Kazuchi Ono, à la tête des forces maisons, l'ouvrage baigne dans une ivresse qui, au gré des différents tableaux, passe avec un bonheur égal de la « Marche hongroise » au « Ballet des sylphes », des ambiances éthérées aux déchaînements les plus grandioses. Mais c'est le Chœur de l'Opéra de Lyon qui s'avère le héros de la soirée. Par sa cohésion impeccable et son articulation naturelle, il forme une seule et même grande voix qui se plie à toutes les nuances voulues par Berlioz. Quand on pense à la manière dont il les sollicite dans La Damnation de Faust, on ne peut qu'applaudir à deux mains. L'apothéose de Marguerite - avec la parfaite prestation des jeunes chanteurs de la Maîtrise de l'Opéra de Lyon - s'avère un intense moment d'émotion : la musique finit heureusement par l'emporter sur les images.

Emmanuel Andrieu

La Damnation de Faust de Berlioz à l'Opéra National de Lyon, jusqu'au 22 octobre 2015

Crédit photographique © Bertrand Stofleth

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