Karine Deshayes, touchante Cendrillon à l'Opéra Royal de Wallonie

Xl_k._deshayes__op_ra_royal_de_wallonie_-_li_ge__2_ © Opéra Royal de Walllonie-Liège

Cinq ans après y avoir rencontré un formidable succès, la très belle et poétique production de La Cenerentola de Gioacchino Rossini imaginée par le duo Cécile Roussat/Julien Lubek (qui signe mise en scène, chorégraphies, décors, costumes et lumières !) revient sur la scène de l’Opéra Royal de Wallonie, à l’occasion des fêtes de fin d’année. De scène en scène, la magie visuelle de cette réalisation superbement aboutie – avec son régiment de lutins malicieux et ses montgolfières qui s’envolent dans les cintres… – tient le spectateur sous le charme, mais un tel parti pris a néanmoins son prix : en faisant des protagonistes de cet opéra les acteurs d’un conte de fées, Cécile Roussat et Julien Lubek réduisent quelque peu la portée du livret. Le triomphe de la bonté, dans le finale, tient plus ici du happy end de circonstance que de la générosité et de l’esprit de sacrifice de la jeune fille. Dans un tel contexte, le fameux rondo final se mue ainsi en simple artifice de théâtre, au lieu de rappeler que, dans le monde des humains, le combat contre les forces du mal est un éternel recommencement.

On le sait, la diva française Karine Deshayes (Angelina) possède l’une des vocalités parmi les plus éblouissantes du moment. La couleur ambrée du medium, l’impeccable et même superlative assurance de la vocalisation et l’homogénéité des registres valent à cette musicienne rigoureuse un triomphe mérité, auquel contribue un jeu scénique humain et touchant à la fois. Son prince charmant trouve dans le ténor sud-africain Levy Sekgapane – Premier prix du prestigieux Concours Operalia en 2017 – un partenaire à sa mesure, dans un rôle où il a peu de rivaux aujourd’hui : il exhibe le plus enivrant des timbres de tenorino solaire, des Ut idéalement justes (malgré un certain manque de projection), et une agilité désarmante qui lui valent les acclamations du public au moment des saluts. Les trois voix graves ne sont pas en reste. Le baryton italien Bruno De Simone – déjà épatant Bartolo (Il Barbiere) à Genève il y a deux saisons – campe un Magnifico plastronnant, digne de son patronyme, sonore et impayable. Son compatriote (et confrère de tessiture) Enrico Marabelli compose un Dandini tout de roublardise au second degré, et fait valoir une composition vocale de grande classe. Le Belge Laurent Kubla, grand familier de la scène liégeoise, ne dépare pas en Alidoro et s’acquitte très convenablement de son grand air « La del ciel ». Enfin, les deux sœurs campées avec aplomb par Sarah Defrise (Clorinda) et Angélique Noldus (Tisbe) sont des mégères hilarantes à souhait.

À la tête d’un excellent Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie, son heureuse directrice musicale Speranza Scappucci déploie une activité de tous les instants, précise, enthousiaste, en phase avec la fougue qui anime le plateau. Sa baguette sait aussi se faire légère et flexible, exprimant avec beaucoup d’élégance la délicatesse de la musique du Cygne de Pesaro, tout en maintenant parfaitement sous contrôle les morceaux d’ensemble.

Le public wallon ne boude pas son plaisir et fait un triomphe à cette (festive) soirée !

Emmanuel Andrieu

La Cenerentola de Gioacchino Rossini à l’Opéra Royal de Wallonie, jusqu’au 31 décembre 2019

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