Le Barbier de Séville comme premier volet d’une « Trilogie Figaro » à Genève

Xl_barb © Magali Dougados

Pour son ouverture de saison, ce n’est pas un mais trois titres que propose le Grand-Théâtre de Genève (toujours exilé à l’Opéra des Nations en attendant la fin des travaux l’an prochain), axés autour du personnage de Figaro. Cette « Trilogie de Figaro » permet ainsi de voir, sur trois soirs, Le Barbier de Séville de Rossini, Les Noces de Figaro de Mozart, et une nouvelle œuvre composée par Elena Langer, Figaro gets a divorce, créée l’an passé au Welsh National Opera de Cardiff, maison coproductrice de ce triple spectacle. Autre fil conducteur de la trilogie, un même décorateur (Ralph Koltaï… âgé de 93 ans !) et une même costumière (Sue Blane) pour les trois productions, tandis que le reste de l’équipe artistique change en fonction des titres.

Le premier volet est donc Le Barbier de Séville, ouvrage pour lequel le nonagénaire a conçu deux immenses panneaux translucides qui pivotent sur eux-mêmes, offrant des changements à vue, et permettant alternativement de transposer l’action à l’intérieur ou l’extérieur de la maison de Bartolo. Confiée à Sam Brown, la mise en scène s'impose par sa préparation infaillible, son comique jamais vulgaire, et quelques idées bien trouvées, comme ces nombreux clins d'œil à la comédie musicale (dont Brown est un spécialiste) avec des chœurs chorégraphiés sur un mode humoristique : ainsi de la scène d’ouverture où dix danseurs emmitouflés de noir agitent en tous sens d’énormes ciseaux, ou de la fameuse scène d’orage, pendant laquelle les choristes sont ballotés en tous sens par leurs parapluies en prise au vent.

Coté vocal, la soirée offre de nombreuses satisfactions. La mezzo ukrainienne Lena Belkina incarne avec beaucoup de conviction une Rosina à la fois piquante, mutine et pulpeuse. Dotée d’un timbre sombre et cuivré, elle sait varier les couleurs de sa voix avec art, et impressionne autant par la puissance de l’instrument, que par la profondeur des graves. Son Almaviva est le ténor roumain Bogdan Mihaï (photo) qui évolue sur scène avec une rare présence. Il possède un timbre très clair et séduisant, typique du tenore di grazia, renforcé par une ligne de chant aussi impeccable qu’élégante et un sens des nuances et des demi-teintes qui ravissent. Dommage, cependant, que la voix ne soit pas plus puissante, car elle se trouve généralement couverte dans les ensembles. Dommage également qu’il esquive le fameux air de la scène finale, « Cessa di piu resistere », périlleux certes, mais symbole même du chant rossinien, et qu’il aurait été tout à fait capable d’exécuter.

Le baryton-bouffe italien Bruno De Simone se montre maître de son texte et de son personnage : il tient assurément en Bartolo un de ses bons rôles. Le comédien est à la fois sobre et d’une efficace drôlerie, le chanteur adroit, sonore et musicalement en règle, avec une élocution admirablement contrôlée dans les passages les plus rapides (le fameux chant sillabato). Son compatriote Bruno Taddia est figaro : la voix est communicative, le ton enjoué, mais il semble n’avoir qu’une couleur dans la gorge et ne comprend pas assez le mot nuance (et encore moins la nécessité des contrastes). Dans la partie de Basilio, Marco Spotti offre une voix puissante et profonde, et propose un « air de la calomnie » dans sa tonalité originale. En troupe dans la maison romande, l’américaine Mary Feminear compose une Berta d’un comique irrésistible, avec voix impeccablement conduite. Egalement excellents, les rôles épisodiques complètent efficacement la distribution avec une mention pour le Fiorello de Rodrigo Garcia.

Nouveau directeur musical de l’Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott réussit brillamment son examen d’entrée, avec une direction idéalement rossinienne, vibrante et spirituelle, parfaite dans son contenu purement stylistique, donc pleine de fantaisie. Le chef britannique maintient tout du long une constante respiration rythmique, rigoureuse et vivante ; dès la célèbre ouverture, le public genevois lui accorde ainsi une ovation méritée, ovation copieusement renouvelée à l’ensemble des acteurs de cette réjouissante soirée au moment des saluts !

Emmanuel Andrieu

Il Barbiere di Siviglia de Gioacchino Rossini à l’Opéra des Nations de Genève, jusqu’au 24 septembre 2017

Crédit photographique © Magali Dougados
 

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