Javier Camarena, une autre étoile dans le firmament du Festival de Peralada

Xl_camarena © Toti Ferrer

Aux côtés d’un récital de Jonas Kaufmann et d’une version concertante de Thaïs réunissant rien moins que Ermonela Jaho et Placido Domingo, le Festival Castell de Peralada mettait également à son affiche un récital de Javier Camarena, dans la plus intime Iglesia del Carmen, à quelques encablures du château. Mais las, parti depuis le matin de Suisse – où nous avions assisté la veille à une mémorable représentation d’Adriana Lecouvreur –, les aléas des transports pour rejoindre la petite cité catalane nous ont empêché d’assister à la première partie, et nous ne pourrons évidemment évoquer que ce que nous avons entendu : une seconde partie de concert cela dit assez consistante… d’autant qu’elle était suivie par six bis !

Le ténor mexicain s’inscrit dans la lignée des Juan Diego Florez, un tenore di grazia comme nous en distillent depuis quelques années les écoles d’Amérique du Sud, mais qui a pris la place de number one dans le répertoire belcantiste, aux côtés de son illustre confrère péruvien. Et c’est avec le redoutable air d’Arturo « A te o cara… » (I Puritani) que débute cette seconde partie, et comme l’on pouvait s’y attendre, c’est peu dire qu’il se joue avec superbe des écueils accumulés dans cette partie par le Cygne de Catane, négociant les contre- avec la plus grande aisance, auxquels il adjoint une souplesse vocale prodigieuse qui lui autorise des messa di voce tellement tendres. On trépigne d’impatience de l’entendre dans le rôle en octobre prochain au Gran Teatre del Liceu de Barcelone.

Il poursuit avec l’air de Lindoro « Languir per una bella » dans L’Italienne à Alger de RossinI. Il y révèle un métal superbement projeté, qui plus est préservé des imperfections de la plupart des spécialistes de ce répertoire : pas l’ombre d’une trace de vibrato ici, ni le moindre soupçon de nasalité. Et des aigus glorieux, jamais déconnectés du reste de la voix. Avec l’air final d’Edgardo (« Tombe degli avi miei » dans Lucia di Lammermoor), rôle qu’il vient d’interpréter au Teatro Real de Madrid, Camarena confirme qu’il est un superbe chanteur, à la ligne de chant impeccable et à la diction (italienne) parfaite. En dépit de son impressionnante projection, il ose une interprétation bouleversante de couleurs vocales et de vérité dramatique : un appel désespéré à son amour disparu, dénué de tout pathos, n’ayant pour lui que l’intense tragédie de son irrémédiable perte...

C’est un air plus gai qui clôt le concert, un morceau de bravoure qui appartient au répertoire de tout ténor belcantiste qui se respecte, c'est à dire le fameux « Ah mes amis, quel jour de fête ! », tiré de La fille du régiment de Donizetti, avec lequel il livre une vraie leçon de chant : un souffle toujours sous contrôle, une santé vocale qui donne le frisson, et à nouveau un art de la mezza-voce suprême. Il confirme qu’il est désormais le meilleur titulaire du rôle (comme il l’a encore récemment prouvé en faisant délirer la salle du Liceu de Barcelone…), en assumant avec autant de maestria aussi bien la virtuosité de l’aigu que la beauté de la ligne. Notons, au passage, qu’il est formidablement soutenu – ici comme ailleurs – par le pianiste cubain Angel Rodriguez, qui se montre aussi bon complice que parfait exécutant.

Jamais avare de bis, il interprète quatre chansons mexicaines de compositeurs méconnus sous nos latitudes (Vicente Fernandez ou Maria Grever), entrecoupées du très mélancolique « Vaga luna » de Bellini ainsi que de la plus enjouée « Danza » de Rossini, qui ne manquent pas de ravir (et conquérir) un public venu nombreux applaudir un des artistes les plus brillants et sensibles de notre temps.

Emmanuel Andrieu

Javier Camarena en récital au Festival de Peralada, le 27 juillet 2018

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