Le triomphe d'Adriana Lecouvreur sous la baguette de Valery Gergiev au Festival de Verbier

Xl_adriana

Après avoir été proposée sous format scénique (mais sans Anna Netrebko ni Yusif Eyvazov au festpielhaus de Baden-Baden trois jours plus tôt), c’est au Festival de Verbier qu’Adriana Lecouvreur de Francesco Cilea fait halte, le temps d’une version de concert, toujours sous la direction de Valery Gergiev, ici placé à la tête de l’Orchestre du Festival de Verbier en lieu et place de sa phalange du Théâtre Mariinski à Baden. A tout seigneur tout honneur, avouons d’emblée que c’est une direction superlative que le maestro russe offre au public, en donnant à l’ouvrage la beauté et la dignité d’une toile de Boldini, mais aussi en lui conférant un sens de la théâtralité, une énergie et une vigueur qui galvanisent l’orchestre et font mouche sur l’audience. Les cinq ou six secondes de silence qui figent le temps après le dernier accord en disent long sur le choc émotionnel vécu par tous à l’issue de la soirée…

Une soirée qui a vu le sacre d’un jeune ténor russe du nom de Migran Agadzhanyan qui réussit l’exploit a volé la vedette aux deux rôles féminins, Tatiana Serjan en Adriana et Ekaterina Semenchuk en Princesse de Bouillon (alors même qu’elles ont également brillé dans leurs rôles respectifs). De fait, il chante un Maurizio de bout en bout exemplaire, avec une diction impeccable, un chant généreux, vibrant et passionné, et un absolu contrôle du souffle… une véritable révélation que devrait s’arracher bientôt les plus grandes scènes internationales…Un mois seulement après son électrisante Lady Macbeth à l’Opéra Royal de Wallonie, la soprano russe Tatiana Serjan confirme – si besoin était – qu’elle est une chanteuse de premier ordre : l’ampleur des sons filés, la solidité des aigus, l’intensité de l’incarnation et des accents, tout chez elle ravit. Elle bouscule notamment les cœurs avec un « Poveri fiori » de haute école. Quant à la Princesse de Bouillon de sa consœur biélorusse, elle se bat avec la férocité d’une lionne dans son affrontement avec sa rivale au deuxième acte, qui fait monter d’un cran la température déjà accablante sous la tente du festival. Son timbre riche, ses graves profonds et son fort tempérament, empli d’arrogance, rendent justice à ce rôle maléfique du répertoire italien.

De son côté, l’excellent baryton russe Alexey Markov offre une incarnation majeure du personnage de Michonet : pathétique, nuancé, toujours en équilibre, avec un legato de violoncelle et un timbre prenant, il saisit à la perfection toute la mélancolie de son personnage. Enfin, les Comprimari n’appellent que des éloges, avec une mention pour Milan Siljanov en Prince de Bouillon, face à l’Abbé tout de cautèle de Alexander Mikhailov.

Quatre jours après un Werther d’anthologie à l’Opéra de Vichy, nous mesurons la chance qui est la nôtre !

Andrieu Emmanuel

Adriana Lecouvreur de Francesco Cilea au Festival de Verbier, le 26 juillet 2018

Crédit photographique © Nicolas Brodard

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading