Il Barbiere di Siviglia au Festival Avenches Opéra

Xl_barbiere © Marc-André Guex

Située entre Lausanne et Berne, près du Lac de Morat, Avenches était autrefois la capitale de l’Helvétie romaine sous le nom d’Aventicum. Elle a notamment conservé de cette époque des arènes où ont lieu diverses manifestations, dont le Festival Avenches Opéra, qui propose chaque été, depuis 1995, une production lyrique représentée six ou sept fois. Après Carmen l’an passé (Fanck Ferrari, qui vient juste de nous quitter, y avait chanté son dernier rôle sur scène, et Eric Vigié, directeur de la manifestation suisse, a tenu à lui rendre un vibrant hommage avant le début de la représentation), c’est cette année ll Barbiere di Siviglia de Gioacchino Rossini qui a été retenu comme titre. Le grand soleil que contient la partition s’accorde parfaitement à l’ambiance chaleureuse du lieu, surtout lorsque l’orchestre dans la fosse, celui de la ville toute proche de Fribourg, est entraîné par l’enthousiasme communicatif du chef israélien Nir Karabetti, qui offre une direction idéalement rossinienne, vibrante et spirituelle, parfaite dans son contenu purement stylistique, et donc pleine de fantaisie !   

Le metteur en scène milanais Marco Carniti – qui avait déjà signé in loco la production de Nabucco il y a deux ans - ne laisse aucun répit aux protagonistes de ce Barbier. A l’image de la musique et de la direction de Karabetti, sa mise en scène s’avère de bout en bout pétillante, réjouissante et d’une remarquable fluidité malgré l’immensité du plateau. Tirant parti d’une distribution vocale où les chanteurs ont l’âge des personnages, il y insuffle un véritable esprit de troupe, avec un mouvement et une complicité qui n’appartiennent qu’au théâtre. La scénographie - conçue par Emmanuelle Favre – emplie parfaitement l’espace et se distingue par son élégance et son efficacité : une succession de petites maisons de toiles blanches montées sur pilotis qui se rejoignent parfois, et un dispositif de boîtes chinoises, transparentes et ondoyantes sous le magnifique ciel étoilé de ce soir (il a fait 38 degrés dans la journée...).

Dans le rôle de Rosina, la soprano d’origine croate Lana Kos - mieux à sa place ici que dans Luisa Miller, l’an passé, sur la scène de l’Opéra de Lausanne -  fait preuve d’une grande capacité technique  Dotée d’un timbre chaud et rond, elle offre une vocalisation assez remarquable, mais c’est en revanche une Rosina plutôt virago qu’on nous présente ici, bien plus qu’une tendre amoureuse (ce qu’on peut regretter...).

Le chinois Yijie Shi, un des ténors rossiniens parmi les plus convoités du moment, fait entendre un timbre d’une grande suavité et interprète son rôle avec beaucoup de contrôle et de goût ; exemplarité de ligne, bonne projection, sensibilité musicale, grande aisance dans les vocalises et les nuances, sont à mettre à son crédit. Dès lors, nous nous formalisons d’autant plus qu’on ait amputé sa partie du fameux air de la scène finale, « Cessa di piu resistere », périlleux certes, mais symbole même du chant rossinien, et qu’il aurait été, semble t-il, tout à fait capable d’exécuter.

Dans le rôle de Figaro, le baryton roumain George Petean - dont nous avons récemment souligné le grand talent, que ce soit à Avignon ou à Bruxelles - s’impose comme le triomphateur de la soirée, par la conjonction d’un matériau vocal idéal pour ce personnage avec une liberté scénique confondante : il incarne ainsi un Figaro hâbleur, véloce, charmeur, avec un timbre étoffé, une impeccable maîtrise du souffle, quand l’aigu et le grave se montrent, quant à eux, solides par l’éclat comme par la stabilité du son. Il est sans conteste un des grands Figaro du moment.

Le baryton espagnol Miguel Sola, maître de son texte et de son personnage, tient en Bartolo un de ses bons rôles. Le comédien est à la fois sobre et d’une efficace drôlerie, le chanteur adroit, sonore et musicalement en règle, avec une élocution plutôt bien contrôlée dans les passages les plus rapides (le fameux chant sillabato). En Basilio, la basse espagnole Ruben Amoretti, trop monochrome pour cet emploi à l’origine barytonale, doit à une astucieuse direction d’acteurs et à son poids vocal d’occuper la scène. Si Fiorello (Fernando Afara) tient bien sa place, Berta récupère justement la sienne grâce à la pétulante mezzo suisse Carine Séchaye, irrésistible de drôlerie.

Emmanuel Andrieu

Il Barbiere di Siviglia de Gioacchino Rossini au Festival Avenches Opéra, jusqu’au 17 juillet 2015

Crédit photographique © Marc-André Guex

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