Eugène Onéguine par Alain Garichot : après Nice, Saint-Etienne !

Xl_eugene © Cyrille Cauvet

Cette production d’Eugène Onéguine de Piotr Ilitch Tchaïkovski - signée par Alain Garichot et reprise en ce mois d’avril à l’Opéra de Saint Etienne (après celui de Nice, il y a deux mois de cela) - a déjà une longue carrière derrière elle, depuis sa première à Nancy en 1997. Si la direction d’acteurs a pu être retouchée ici ou là en fonction de ses différents interprètes, ce n’est pas le cas du magnifique décor (imaginé par Elsa Pavanel) qui s’impose toujours par son dépouillement grandiose. De fait, la mise en scène frappe par la cohérence de sa conception, sous tendues par des moyens simples mais efficaces, dont la beauté des éclairages dues à Marc Delamézières, et ce fameux décor unique, modifié au gré des tableaux par d’habiles changements à vue. Et, comme souvent, Alain Garichot s’attache à serrer au plus près, avec une justesse et une subtilité rares, la psychologie des personnages, notamment ici celui du rôle-titre, figure hors des traditions, victime d’une sorte de délire onirique que seule la passion désespérée relie à la réalité.

Le triomphateur de la soirée est d'ailleurs sans conteste le baryton polonais Michal Partyka, impétueux Comte des Noces de Figaro en décembre dernier à l’Opéra de Toulon, et ici Onéguine viscéral, à la voix royale, large et égale, qui tempère son ennui de vivre par une humanité très touchante dans sa première relation avec Tatiana. Ce dernier rôle est dévolu à la soprano française Sophie Marin-Degor qui ne nous convainc pas plus avec sa Tatiana qu’avec sa Mélisande à l’Opéra de Toulon la saison dernière, pour les mêmes raisons : un « timbre trop rêche (qui) ne rend pas la fragilité et la jeunesse de son personnage ». L’autre couple est ainsi bien mieux appareillé, avec une Olga (Anna Destraël) sachant mêler le charme et l’émotion, et un Lenski (l’incontournable Florian Laconi) digne des meilleurs, avec sa voix mordante, brillante dans les aigus, et une sensibilité touchante dans l’air du duel, le fameux « Kuda, kuda ». Oroveso (Norma) sur cette même scène en début de saison, la basse franco-britannique Thomas Dear séduit en Prince Grémine, grâce à sa belle musicalité, ses graves abyssaux et un chant empli d’émotion. Excellente prestation également de Svetlana Lifar, superbe Madame de Croissy in loco le mois dernier et tout aussi convaincante en Filipievna, avec sa belle allure et son chant opulent. On retiendra, enfin, la composition très réussie de Carl Ghazarossian en Monsieur Triquet, tandis que Nona Javakhidzé (Madame Larina) affiche toujours une belle santé vocale.

De son côté, la musique est servie avec un aplomb réjouissant par David Reiland, premier chef invité de l’Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire. Sous sa battue, la phalange stéphanoise apparaît sous son meilleur jour, le chef belge veillant à rendre la richesse de l’invention thématique avec un grand luxe de nuances. Le Chœur lyrique Saint-Etienne Loire se met avec élégance au diapason : ses interventions, claires d’émission et charnues d’étoffe, constituent un des motifs d’entousiasme de cette production qu'on a toujours grand plaisir à revoir. 

Emmanuel Andrieu

Eugène Onéguine de Piotr Ilitch Tchaïkovsky à l'Opéra de Saint-Etienne, jusqu’au 9 avril 2017

Crédit photographique © Cyrille Cauvet
 

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