Des Noces de Figaro de « tradition » à l'Opéra de Toulon

Xl_noces2 © Frédéric Stephan

Résolument ancré dans son époque, le premier chef d’œuvre de la trilogie Mozart/Da Ponte s’accommode bien souvent d’une mise en scène « traditionnelle ». Tel est le cas de cette production des Noces de Figaro présentée à l’Opéra de Toulon (coproduite avec Avignon), signée par Christian Gangneron, qui affiche d’emblée un classicisme élégant : beaux costumes, intérieurs soignés aux plafonds élevés, mobilier Louis XV… tout est en place pour que se déroule une « folle journée » aux accents prérévolutionnaires. Pourtant, le metteur en scène français opte pour une autre voie : à la critique sociale, qu’il laisse à Beaumarchais, il préfère la frontalité des sexes. De fait, guère de violence ici, et Figaro est plus hâbleur, provocateur et fanfaron que vindicatif.

Comme à sa bonne habitude, le maître des lieux, Claude-Henri Bonnet, a su réunir une équipe jeune et homogène, qui fait montre d’un sérieux et d’un professionnalisme dignes de tous les éloges. Les protagonistes se sont mis avec humilité et efficacité au service d’une œuvre pourtant rabâchée, prouvant avec éclat qu’un travail collectif assidu vaut cent fois mieux que l’esbroufe dont certaines stars du monde musical sont coutumières. L’on relèvera tout d’abord le Figaro du baryton-basse serbe David Bizic, au timbre rond et ample, avec de très beaux graves, et l’on regretterait presque de ne pas le voir distribué en Almaviva. La Suzanne de la soprano italienne Giuliana Gianfaldoni emporte elle aussi l’adhésion, et de par sa voix homogène et très juste (malgré un ou deux aigus un tantinet acides), elle tire son personnage vers une intrigante et une manipulatrice plutôt que vers une soubrette ingénue.  

Déjà remarqué in loco dans le rôle-titre de Don Giovanni en mai 2014, le baryton polonais Michal Partyka s’affirme dès son entrée en scène et convainc de bout en bout, ne serait-ce par l’autorité de l’accent. Comtesse nostalgique et dépitée, la soprano brésilienne Camila Titinger se montre plus que touchante, et possède, surtout, cette longueur de ligne exigée par « Porgi amor » et « Dove sono ». Le Cherubino d’Anna Pennisi est un jeune séducteur plein de vie qui peine cependant à triompher de l’orchestre. Sophie Pondjiclis, en dépit d’aigus parfois forcés, est très juste de ton, campant une Marceline acariâtre à souhait. Marc Barrard dispense ses habituels talents de comédien et dessine un Bartholo truculent, à la voix agile, et une belle ampleur dans le registre grave. Quant aux comprimari, à commencer par Cyril Rovery (Antonio) et Eléonore Pancrazi (Barbarina), ils s’acquittent parfaitement de leur tâche.

A la tête de l'Orchestre de l'Opéra de Toulon, la chef coréenne Eun Sun Kim trouve, pour soutenir une telle intensité, le juste équilibre entre la vitalité débordante des séquences de cette « folle journée » et la tranquillité des tempi nécessaires à la respiration de la polyphonie mozartienne.

Bref, encore une belle soirée lyrique à l’Opéra de Toulon !

Emmanuel Andrieu

Les Noces de Figaro de W. A. Mozart à l’Opéra de Toulon, jusqu’au 31 décembre 2016

Crédit photographique © Frédéric Stephan
 

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