Des Noces de Figaro en demi-teinte à l'Opéra national du Rhin

Xl_fig7 © Klara Beck

Après une création contemporaine confiée à Philippe Manoury, Kein Licht, le second titre retenu par Eva Kleinitz (qui succède à Marc Clémeur à la direction de l’Opéra national du Rhin) est les plus classiques Noces de Figaro de W. A. Mozart.

La distribution vocale qu’elle a réunie à Strasbourg, relativement jeune, satisfait pour la majeure partie d’entre elle aux exigences du chant mozartien. Le Figaro du baryton allemand Andreas Wolf domine l'ensemble, avec sa voix puissante, au grain chaleureux, et par une mobilité expressive qui suggère l’ardeur instinctive de ce protagoniste. La délicieuse soprano lituanienne Lauryna Bendziunaité lui donne la réplique en campant une Susanna débordante de panache et de sensualité. Son timbre rond et fruité s’avère parfait pour caractériser vocalement cette soubrette malicieuse et son grand air « Deh, vieni, non tardar » est admirablement délivré.

Libidineux à souhait, le baryton italien Davide Luciano est un Comte mordant, manquant peut-être d’une tenue aristocratique qui convient au personnage, mais la voix est assez sonore pour conférer la majesté requise par son grand air « Vedro mentr’io sospiro ». Pourtant admirée dans d’autres rôles tel que Manon à l’Opéra de Monte-Carlo en début d’année, Vannina Santoni convainc moins dans la si difficile partie de La Comtesse. Certes, la soprano française chante souvent très bien, et si toutes les notes sont à leur place, elle ne maîtrise cependant pas encore la pulsation du phrasé mozartien. Surtout, elle ne parvient pas à conférer à son émission la noblesse indispensable à tout serviteur du Génie de Salzbourg. De son côté, la jeune mezzo française Catherine Trottmann confirme - après sa Zerlina (Don Giovanni) lausannoise en juin dernier - les espoirs fondés sur elle, et interpréte un Cherubino irrésistible. L’actrice est littéralement démoniaque dans sa composition d’adolescent assoiffé d’amour et obsédé par le sexe. Avec son timbre chaud et cuivré, elle délivre notamment un « Non so più » vraiment haletant.

Une mention, également, pour les comprimari : le Basilio impayable de Gilles Ragon (habillée en femme), la Barberine délicate d’Anaïs Yvoz (néanmoins fâchée avec la langue de Dante), le Bartolo assez pâle d'Arnaud Richard, la Marcelline sonore et haute en couleurs de Marie-Ange Todorovitch, et le drolatique Antonio de Dominic Burns.

A la tête de l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, fort bien disposé, son directeur musical Patrick Davin se montre particulièrement soucieux des moindres inflexions du génie mozartien, avec un grand respect des demi-teintes. Grâce à un art subtil des alternances entre tempi vifs et tempi lents, et une attention continue portée au dialogue entre voix et instruments, le chef belge soutient l'intérêt pendant toute la soirée.

Un intérêt que peine à retenir, en revanche, la partie scénique confiée à Ludovic Lagarde, le directeur de la Comédie de Reims (qui a fait quelques incursions dans l’univers lyrique). L’homme de théâtre français transpose l’action dans le monde de la haute couture, sans que cela n’apporte quoi que ce soit au chef d’œuvre mozartien, d’autant qu’il ne se donne pas vraiment la peine d’approfondir son parti-pris. Intéressant, en revanche, surtout en pleine « affaire Weinstein », la réflexion sur le sort réservé aux femmes par les hommes, les brutalités auxquelles elles sont soumises étant nombreuses ici. Bien qu’anecdotiques, on sourit aux coiffures hirsutes et déjantées imaginées par Cécile Kretschmar, mais ça fait peu à « se mettre sous la dent »…

Emmanuel Andrieu

Les Noces de Figaro de W. A. Mozart à l’Opéra national du Rhin, jusqu’au 12 novembre 2017

Crédit photographique © Klara Beck

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