Der Rosenkavalier de Richard Strauss entre au répertoire de l'Opéra Grand Avignon

Xl_sheva_tehoval_et_hanna_larissa_naujoks_dans_le_chevalier___la_rose___l_op_ra_grand_avignon © Cedric Delestrade

Après avoir initié son mandat avec Peter Grimes de Britten la saison passée, Frédéric Roels fait à nouveau preuve d’audace et réaffirme son ambition pour l’Opéra Grand Avignon en montant Le Chevalier à la rose de Richard Strauss pour débuter sa seconde saison à la tête de l’institution provençale. Confiée à Jean-Claude Berutti, la mise en scène a déjà fait le bonheur des spectateurs du Théâtre de Trèves (Theater Trier) au printemps dernier, cette maison étant coproductrice du spectacle. Un spectacle par ailleurs très classique et fidèle au livret, même si la scénographie de Rudy Sabounghi s’avère plutôt sobre, sans le faste souvent associé à l’ouvrage, à l’instar de la mythique production d’Otto Schenk vue il y a trois ans à Vienne. La chambre de la Maréchale, à l’acte I, ne montre aucun luxe tapageur, pas plus que le palais du parvenu Faninal au II, tandis que l’auberge du III n’est constituée de rien d’autre que des panneaux de la chambre du I, retournés à vue par les machinistes pendant le prélude. Les costumes de Jeanny Kratochwil alternent entre années 30 et notre contemporanéité, mais c’est le XVIIIe qui est retenu pour la fameuse scène de la « Présentation de la rose », une alternance d’époque devenue monnaie courante, mais qui fonctionne très bien ici. La production repose aussi beaucoup sur les savants éclairages de Christophe Forey, mais plus encore sur les magnifiques et très nostalgiques images de l’adaptation cinématographique de l’ouvrage, réalisée en 1925 par Robert Wiene (le réalisateur du célèbre Cabinet du Docteur Caligari), qui reviennent lors de toutes les scènes-clés, et qui bien évidemment ouvrent et ferment le spectacle - avec la mine décomposée de la Maréchale qui doit se résoudre à faire le deuil de son jeune amant. Une nostalgie du temps qui passe, que l’on retrouve également à la toute fin de la soirée, avec l’arrivée sur scène de Mohammed, ici remplacé par une petite fille qui pose devant elle un immense sablier, un des rares symboles émaillant la mise en scène au demeurant.

Pour sa première Maréchale, la soprano belge Tineke van Ingelgem livre une prestation de haut vol, conciliant ce qu’il faut de juvénilité et d’expérience, de puissance et de fragilité. Sur le plan musical, le chant s’avère très raffiné et la voix homogène, même si le registre bas demande encore à s’étoffer, tandis que la diction allemande se montre aussi superlative que l’intelligence du texte. Motif d’enthousiasme également pour l’Octavian de la mezzo allemande Hanna Larissa Naujoks, en remplacement de Violette Polchi, souffrante, et qui avait tenu cette partie à Trèves. Elle possède non seulement le physique d’Octavian, mais aussi la voix, avec un timbre chaud et une projection puissante. Dans le rôle de Sophie, la jeune soprano belge Sheva Tehoval fait preuve de séduction tant vocale que scénique, mais la voix reste encore limitée en termes de volume, et les aigus n’ont pas encore la transparence évanescente qu'appelle son personnage. En revanche, elle s’intègre particulièrement bien au sublime trio qui clôt l’ouvrage. La basse russe Mischa Schelomianski, outre un superbe registre grave, confère une dimension humaine bienvenue à son Baron Ochs, pour lequel on finit par éprouver de la compassion, voire une certaine sympathie. Grimés en paparazzi, l’un ayant toujours son appareil photo à la main et l’autre son micro tendu, Kresimir Spicer (Valzacchi) et Hélène Bernardy (Annina) forment un impayable duo. De leurs côtés, Jean-Marc Salzmann campe un Faninal obséquieux à souhait tandis que la soprano moldave Diana Axentii prête à Marianne ses aigus pleins et son registre grave sonore. En revanche, le ténor italo-argentin Carlos Natale déçoit dans le personnage du Chanteur italien, car il s’époumone et même s’étrangle dans (il est vrai) l’impossible air « Di rigori armato il seno » qui lui est dévolu. Le reste de la distribution complète efficacement l’affiche.

Mais le principal bonheur de la soirée réside dans la direction du chef allemand Jochem Hochstenbach, directeur musical du Theater Trier, qui porte l’Orchestre National Avignon-Provence à un degré de qualité digne des meilleures phalanges françaises. Il dirige avec brio cette partition où émotion, truculence, et raffinements viennois s’entremêlent comme jamais, et il offre par ailleurs un finale de toute beauté, en parfait accord avec ce qui est alors le surcroît d’émotion de la scène. Le public présent (car malheureusement un peu clairsemé) ne s’y trompe pas, et réserve au chef – ainsi qu’à la méritante phalange avignonnaise – une ovation amplement méritée ! 

Emmanuel Andrieu

Le Chevalier à la rose de Richard Strauss à l’Opéra Grand Avignon, les 7* et 9 octobre 2022

Crédit photographique © Cédric Delestrade
 

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