Andrea Chénier à Rome : un nouveau triomphe pour Kunde et Siri !

Xl_chenier © Ryasuko Kageyama

Le chef d’œuvre d’Umberto Giordano - Andrea Chénier - connaît décidément un regain d’intérêt sur les scènes internationales depuis quelques temps, comme en témoigne le vif succès remporté par la nouvelle production de la Bayerische Staatsoper (reprise dernièrement à Paris en version de concert), sans compter que l’ouvrage ouvrira la saison scaligère en décembre 2017 (avec Anna Netrebko en Maddalena di Coigny) et qu’il sera également à l'affiche du Gran Teatre del Liceu de Barcelone la saison prochaine (avec Jonas Kaufmann dans le rôle-titre). Pour l’heure, c’est au Teatro dell’Opera de Rome que nous venons d’en voir une (nouvelle) production confiée au fameux réalisateur italien Marco Bellochio (Le diable au corps, La belle endormie, Vincere…). On sait qu’il est périlleux - dans une œuvre aussi déterminée historiquement qu’Andrea Chénier - d’échapper à la tentation du réalisme illustratif, et l’italien ne se soustrait pas à la règle. L’œuvre est donc ancrée dans la période décrite par le livret, c’est-à-dire l‘Ancien Régime puis la Révolution, au travers de tableaux vivants d’une grande beauté visuelle. Dommage, cependant, que le metteur en scène (un comble pour un cinéaste !) n’ait pas autant approfondi son travail sur la direction d’acteurs, les protagonistes de l’histoire n’étant pas assez distinctement caractérisés, d’une part, et trop souvent laissés à eux-mêmes, d‘autre part. Négligence rédhibitoire quand, dans le sublime final, les deux héros viennent chanter leur duo plantés sur le devant de la scène, sans rendre palpable ni leur amour, ni leur mort imminente…

Un mois après leur triomphe dans Manon Lescaut à l’Opéra des Nations de Genève, nous retrouvons avec bonheur le duo d’amoureux infortunés formé par Gregory Kunde et Maria José Siri. Le ténor américain impose son habituel chant robuste et un timbre qui n’a pas bougé depuis quarante ans qu’il foule les scènes du monde entier. Les élans passionnés du poète sont ici phrasés avec autant de sincérité que de conviction, et son grand air « Come un bel dí di maggio » soulève légitimement l’enthousiasme du public. Siri partage le même souci que son partenaire : respecter l’expressivité de cette musique, en évitant toute brutalité et vulgarité. Rien de sommaire dans son incarnation donc, mais une science approfondie ne refusant pour autant ni l’émotion de l’instant, ni la brillance de l’exploit. Son meilleur moment est bien sûr le sublime air « La mamma morta » où la soprano uruguayenne, avec un chant proche du murmure, trouve des accents d’une irrésistible évocation. De son côté, le baryton italien Roberto Frontali - excellent Michele et Schichhi (Il Trittico) sur cette même scène la saison passée - donne au personnage de Carlo Gérard, le plus intéressant de l’œuvre, une force et une intensité dramatique qui font du troisième tableau un des sommets de la soirée, son « Nemico della patria » s’avérant une parfaite réussite. Le relief que Duccio Dal Monte donne à Roucher, l’ami fidèle de Chénier, laisse entendre le subtil Gérard qu’il pourrait être un jour. On distingue encore, au sein d’un superbe ensemble de seconds rôles, l’impeccable musicalité d’Anna Malavesi en Contessa di Coigny et la piquante Bersi de Natascha Petrinsky. Comme à Paris, le rôle de Madelon est magnifié par la légende du chant qu’est la grande Elena Zilio, tandis que Luca Casalin s’avère un remarquable Incroyable.

Remplaçant Roberto Abbado en cette soirée de dernière, le jeune chef italien Pietro Rizzi impose une variété dans le phrasé et une finesse dans l’analyse qui exaltent, de bout en bout, le rythme théâtral, à la tête d’un Chœur et d’un Orchestre du Teatro dell’Opera di Roma répondant comme un seul homme à la moindre de ses sollicitations.

Emmanuel Andrieu

Andrea Chénier d’Umberto Giordano au Teatro dell’Opera de Rome, le 2 mai 2017

Crédit photographique © Ryasuko Kageyama
 

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