Une Cenerentola de fêtes à l’Opéra de Lyon

Xl_7-lacenerentola_jean-pierre_maurin2017_14193 © Jean-Pierre_Maurin

Du 14 décembre au 1er janvier, l’Opéra de Lyon offre son spectacle de fin d’année, toujours très attendu. Si celui de l’an passé ne nous avait pas particulièrement convaincu (lire notre chronique), disons-le d’emblée, La Cenerentola est une véritable réussite festive sur tous les plans, transformant notre "souvenir-citrouille" en "beau carosse" le temps d'une soirée... dont le souvenir ne disparaît pas aux douze coups de minuit !

Ce qui marque avant tout cette coproduction avec l’Opéra d’Oslo (où l’opéra fut donné du 21 janvier au 22 février 2017), c’est bien la formidable mise en scène de Stefan Herheim, pétillante de trouvailles et de références, s’amusant avec le kitsch tout en l’assumant, ce qui permet ainsi de ne jamais y sombrer. Jouant avec des projections (permettant par exemple de faire sortir des notes de musique des cheminées pour former petit à petit un gros cœur rouge lors du premier duo entre Angelina et Don Ramiro), ou encore avec l’ingénieux décor, le metteur en scène crée une atmosphère de conte réussie, dans laquelle le spectateur se plonge tout autant que l’héroïne.


La Cenerentola, Opéra de Lyon ; © Jean-Pierre Maurin

La Cenerentola, Opéra de Lyon ; © Jean-Pierre Maurin

En effet, alors que l’orchestre finit de s’accorder dans la fosse, le rideau se lève et dévoile un plateau vide sur lequel une femme de ménage travaille en blouse à côté de son chariot. La musique débute ensuite et un livre tombe littéralement du ciel devant l’héroïne. Tandis qu’elle débute la lecture du conte de Cendrillon, Rossini apparaît dans un nuage sur lequel défile le texte lu. Il descend ensuite, armé d’une plume et de ses petites ailes, et dirige l’orchestre, composant finalement l’œuvre sous nos yeux. Pendant ce temps, la femme de ménage entrée dans une cheminée, en ressort vêtue des haillons de Cendrillon (ce qui, au passage, crée une véritable séparation entre « Angelina », femme de ménage, et « Cendrillon », héroïne du conte), suivie peu de temps après par les autres protagonistes de l’histoire. La scène vide se transforme également sous nos yeux grâce à un formidable jeu de perspectives et de multiplications presque à l’infini de cheminées, la plus grande couvrant l’ensemble du plateau. Les côtés de ces cheminées deviendront également reliures de livres ou, une fois tournées, laisseront voir l’intérieurs des maisons.

Le chariot de ménage deviendra carrosse, la serpillère se muera en perruque pour Don Magnifico, ce dernier étant interprété par Rossini lui-même ! De quoi permettre un moment intéressant : en effet, lorsque le compositeur devient le parâtre, il passe d’une connivence entendue avec Angelina au personnage antipathique et tyrannique que l’on connaît. La plume qu’il a en main tient également un rôle important puisque le personnage qui parvient à la saisir semble devenir maître de la scène et de l’histoire. Quant au chœur composé de doubles de Rossini, il endosse à merveille à la fois le rôle du compositeur ainsi que tous ceux qui leur seront dédiés dans la soirée. Ultime pirouette de la soirée, le final durant lequel le fantasme de la femme de ménage prend fin : les cheminées se retirent, les personnages et le faste disparaissent ainsi que la belle robe et la couronne de Cendrillon qui, en un instant, redevient femme de ménage en blouse bleue en voyant cette fois tomber du ciel…. un balais ! Il ne s’agit là que de quelques exemples, mais il serait long et périlleux de tenter d’énumérer les multiples trouvailles de la mise en scène.

Côté voix, l’enchantement est également au rendez-vous avec tout d’abord l’Angelina de Michèle Losier qui offre une implication totale à son personnage, tant scéniquement que vocalement. Loin de la légèreté parfois un peu « cruche » du personnage, c’est une héroïne de caractère qui s’exprime dans une projection et une ampleur des plus convaincantes. Elle sait également nuancer son chant, comme dans sa cabalette finale où le pardon et la ligne de chant confèrent un certain apaisement aux allures de « happy end » du conte. Face à elle, Cyrille Dubois est un Don Ramiro qui lui volerait presque la vedette tant le charme opère dans cette voix élégante à la projection raffinée. Il parvient à atteindre les aigus sans paraître forcer et offre ainsi une ligne de chant sans entrave.


Renato Girolami (Rossini) et Michèle Losier (Angelina); © Jean-Pierre Maurin

Nikolay Borchev endosse pour sa part le rôle de Dandini, qu’il revêt avec énergie, au point d’ailleurs qu’emporté par son élan, il manque de peu de terminer dans la fosse le soir de la Première ! Difficile de ne pas se laisser convaincre par son interprétation solaire, de même que par celle de Renato Girolami, à la fois Rossini plein de malice et Don Magnifico admirablement ridicule, sans pour autant tomber dans l’excès. Il parvient, par un jeu extraordinaire, à mettre assez de distance pour être Rossini interprétant Don Magnifico, sans pour autant cesser de convaincre et réussissant à jouer avec la limite entre ces rôles, se fondant entièrement dans l’un ou l’autre lorsqu’il le faut. Viennent enfin Clara Meloni (Clorinda) et Katherine Aitken (Tisbe), parfaites sœurs que l’on déteste volontiers tout en appréciant la sonorité, l’homogénéité et la complémentarité, ainsi que Simone Alberghini, Alidoro dont les graves colorés et profonds fascinent sans nous faire oublier l’amusement qu’apporte le chanteur par son personnage.

Stefano Montanari dirige de son côté un Orchestre de l’Opéra de Lyon pétillant et fougueux mais sans oublier les nuances de la partition, rendant toute la dimension festive et facétieuse de l’œuvre. La direction est au galop, comme le sont les chœurs annonçant l’arrivée du prince, mais elle ne se prend jamais les pieds dans cette frénésie, trottant lorsqu’il le faut, passant parfois au pas sans ralentir l’enthousiasme général. Le chef intègre par ailleurs le spectacle en intervenant depuis la fosse ou même sur scène après l’entracte, mais nous n’en dirons pas plus… Les chœurs, quant à eux sous la direction de Barbara Kler (déjà présente pour Attila le mois dernier), donnent à nouveau une véritable leçon de projection et d’unité, sans oublier un jeu et des mimiques qui offrent toute une dimension à la soirée. La puissance de cet ensemble vaut la renommée qu’il a acquise au fil des années.

Ainsi, mise en scène, solistes, décors, orchestre, chef et chœurs sont tels les bulles d’un champagne millésimé que l’Opéra de Lyon nous offre pour les fêtes de fin d’année, apportant pétillance et gaieté, le tout dans la joie et la bonne humeur ! « Mélangez tout ça, et vous aurez quoi ? Bibbidi-Bobbidi-Boo »* 

Elodie Martinez

La Cenerentola à l'Opéra de Lyon jusqu'au 1er janvier 2018.

*Paroles de la chanson de la bonne fée dans le film d'animation "Cendrillon" de Disney

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