Norma pour une autre Maria au Théâtre des Champs Elysées

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Tandis qu’une partie des mélomanes se pressait à l’est de Paris pour une autre première très attendue – La Damnation de Faust à l’Opéra Bastille – les amateurs de bel canto choisissaient de s’échapper à l’ouest pour entendre Norma, chef d’œuvre de Bellini, donné pour la première fois depuis six ans dans la capitale.

Une fois de plus, c’est sur un décor gris et des figurants mal fagotés, éclairés de néons blafards, que se lève le rideau du théâtre des Champs Elysées. Si la scénographie semble rejouer, sans surprise, sur la même gamme visuelle que la grande majorité des précédentes productions du TCE, c’est sur la direction d’acteurs qu’on attendait ici le metteur en scène Stéphane Braunschweig. De ce point de vue là, même si la transposition moderne porte peu d’intérêt - qui sont ces gens tout de gris vêtus ? Contre qui se battent-ils ?... –, l’homme de théâtre réussit le pari de rendre cette histoire moderne en jouant la carte du drame bourgeois, insistant sur le hiatus entre la vie privée de la prêtresse et sa mission publique. Obtenant des chanteurs un bel engagement scénique, il parvient, souvent, à dissiper la fadeur visuelle du décor - qu’il signe pourtant.

Un engagement qui semble déteindre dans la fosse, où la baguette de l’italien Riccardo Frizza réussit à extraire le meilleur de l’Orchestre de chambre de Paris, qu’on retrouve ici sous son meilleur jour - cordes précises et vents fiables - dans une homogénéité générale particulièrement réjouissante. Une unité qu’on aurait pu apprécier également sur le plateau si le ténor Marco Berti (Pollione) ne venait pas noircir le joli tableau vocal proposé par cette production. Car non content d’un manque de raffinement dans le phrasé et des décalages avec l’orchestre, le chanteur offre un concert de fausses notes, heureusement contrebalancé par la splendide basse Riccardo Zanellato qui rétablit un semblant de parité au IIe acte face à l’écrasante suprématie des voix féminines.

Car c’est en effet surtout du côté d’Adalgisa et de Norma que les amateurs de « beau chant » en ont eu pour leurs sesterces : respectivement la mezzo-soprano Sonia Ganassi et la soprano Maria Agresta, deux natures de voix exceptionnelles, au sommet de l’art belcantiste. La première offre une maîtrise irréprochable du phrasé bellinien, surmontant les difficultés de la partition et sublimant les nuances, le tout agrémenté d’une facilité déconcertante à habiter l’espace sonore ; tandis que la seconde possède une de ces voix rares capables de couvrir un ambitus particulièrement large, parvenant à nourrir des graves puissants tout en contrôlant l’émission de ses aigus, tantôt d’une puissance décoiffante, tantôt d’une délicatesse à faire frémir les plus allergiques au genre. Si l’on devait émettre une minuscule réserve elle consisterait à déplorer un petit manque d’agilité dans les vocalises, mais difficile de demander plus que l’extraordinaire performance déjà réalisée par la chanteuse. Une grandeNorma, n’en déplaise aux inconditionnels de l’autre Maria… 

 

 

Albina Belabiod

Norma de Bellini jusqu’au 20 décembre au Théâtre des Champs Elysées

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