Pour mieux cerner Antonio Vivaldi, Sylvie Mamy a mené une enquête serrée pour Fayard

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La biographie signée par Sylvie Mamy lève le voile sur le mystère sur la vie publique et l’œuvre du plus grand musicien de la Sérénissime.

« La biographie et l’œuvre de Vivaldi sont le reflet de toutes les contradictions que vit ce lieu si particulier quelques décennies avant la chute de la République, en 1797 ; un drame qui aurait ou être évité, qui reste une blessure profonde dont les vénitiens ne se sont jamais vraiment consolés. écrit Sylvie Mamy. Vivaldi était un patriote. On ne peut comprendre et aimer sa musique, sans comprendre et aimer Venise, au risque de perdre de vue leur richesse, leur complexité, leur profondeur et leur mystère. »

Les stéréotypes s’estompent progressivement sur l’œuvre de Vivaldi au fur et à mesure des découvertes – et de la qualité des interprètes qui s’y dédient  bien au-delà des Quatre Saisons. Désormais plus personne ne peut dire comme Stravinsky que celui-ci n’aurait composé qu’un seul concerto. D’autant qu’après les révélations sur sa musique sacrée, la réévaluation de ses opéras – par leur enregistrement systématique notamment de l’Edition Vivaldi par Naïve - montrent l’éclectisme de son génie.

Dans sa biographie plus littéraire que musicologique, plus enquête et analyse des archives disponibles que tentatives de combler les lacunes sur sa vie privée, Sylvie Mamy utilise les 47 opéras connus de Vivaldi comme fil rouge d’une vie publique pleine de rebondissements et de paradoxes. Le premier d’entre eux étant que celui qu’on appelle le Prêtre roux ne célébrait pas la messe, pour une vie dédiée au théâtre, assumant - comme Haendel à Londres - tous les métiers, de la composition à la direction, de l’imprésario à la gestion des carrières et les contrats de ses chanteurs notamment  pour sa cantatrice favorite, Anna Girò.

Après avoir traquée, sondée et synthétisée les archives – et les manuscrits – accessibles aux quatre coins d’Europe et d’Amérique, la détective Mamy retrace chaque étape de la carrière de Vivaldi, balaye les contrevérités (sa solide notoriété internationale lui génère nombre de commandes qu’il honore en voyageant beaucoup). Chaque étape de sa carrière est évoquée dans leur contexte social et historique ; de la Vénétie, bien sûr mais aussi ses passages à Florence, à Milan, à Triest ou à Rome, avant de se terminer à Vienne.

L’auteur excelle à nous faire revivre les lieux clés de sa carrière croqués avec gourmandise : l’hospice de la Pietà où Vivaldi enseignait le violon à des jeunes filles recluses, ou les concerts à l'Ospedale della Pietà où il excelle. Le double visage de Venise, ambitieuse et extrême où le compositeur se meut avec talent, est brossé en peintre, le lecteur passe des palais et leurs fêtes qui rassemblaient princes venus de toutes les grandes cours d’Europe aux quartiers populaires où Vivaldi trouvait ses élèves et ses voix.

L’outil est particulièrement précieux pour l’amateur lyrique. En effet, chacun de ses 47 opéras est bien argumenté : livrets et sujets commentés, le fameux réemploi des airs lyriques est traqué, élucidé et commenté, constituant une base idéale avant le concert. Si on regrettera l’absence d’une discographie sélective, l’ouvrage est doté d’un précieux catalogue complet (avec une chronologie des créations d’opéras) bientôt entièrement édité par Ricordi, d’un index des noms et œuvres cités. Mais surtout d’une histoire des manuscrits notamment à Turin, creuset de l’édition Vivaldi/Naïve.

Après ce ‘rapport d’étape’ sur Vivaldi, car Mamy avec cette humilité qui la caractérise reconnait que son travail ne peut être un bilan final tant la vie privée du compositeur garde son mystère opaque, nous n’écoutons plus ni ne regardons Venise de la même façon. C’est entre autres, l’un des mérites de cette somme vivante et encourageante pour les interprètes qui s’appliquent à nous le révéler en musique.

Sylvie Mamy : Antonio Vivaldi. 864 pages.
Parution juin 2011. Editions Fayard.  

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