Marco Angioloni : « J'espère pouvoir chanter du Rossini serio sur scène »

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Le jeune ténor italien Marco Angioloni a fait parler de lui à l’occasion de la sortie de son premier album solo « Il Canto de la Nutrice » (dont nous avions rendu compte dans ces colonnes). Les hasards de la vie nous ont mis sur sa route, et nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur son parcours, sur ce fameux premier album, sur sa prochaine actualité et aussi ses projets plus lointains…

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Opera-Online : Quand et pourquoi le jeune ténor italien que vous êtes a-t-il quitté Arezzo pour Paris ?

Marco Angioloni : Cela fait exactement dix ans que j’habite à Paris. A l’époque, j’étais un jeune hautboïste professionnel. Je venais tout juste de rencontrer Nora Cismondi (aujourd'hui hautbois solo de l’Orchestre de la Suisse Romande) lors d’une masterclass en Toscane, et j’ai été tout de suite ébloui par sa personnalité musicale. C’est ce qui m’a décidé à venir à Paris pour me former à ses côtés. J’ai travaillé le hautbois avec elle pendant un an, et j'en garde de très beaux souvenirs. Ce n’est qu’ensuite que je me suis réorienté vers le chant lyrique : je voulais faire ça depuis très longtemps mais je n’avais jamais osé, vu ma jeune carrière d’hautboïste qui était déjà un peu lancée...

Vous êtes passé par la Centre de Musique Baroque de Versailles et l’Académie de Royaumont. Que vous-ont apporté ces deux structures ?

C’est en 2015 que j’ai intégré le CMBV et cela pendant deux ans de cursus. Je pense que cette formation m’a donné les outils nécessaires pour aborder le répertoire baroque - notamment français - et travailler aujourd'hui avec les plus grands ensembles spécialisés dans ce répertoire (Les Talens Lyriques, l’Ensemble Matheus, Les Épopées etc. De même, l’Académie de Royaumont m'a permis de rencontrer Christophe Rousset et Stéphane Fuget, chefs que j’ai depuis toujours admirés et avec lesquels j’ai ensuite eu la chance de travailler.

Vous êtes ténor, mais comment qualifieriez-vous plus précisément votre voix ?

Selon mon phoniatre Franco Fussi (connu pour suivre notamment Cecilia Bartoli), ma voix est une voix de ténor lyrique pur, voix italienne par excellence (alla Gigli, Bergonzi ou Pavarotti). Mais j’aborde souvent un répertoire plus léger car je suis très à l’aise dans les coloratures et le registre aigu. Cela me permet de garder plus facilement une souplesse et un focus par rapport à certains répertoires plus lyriques, avec des orchestres plus nourris. Mon réseau ainsi que ma formation m'amènent surtout à chanter le répertoire baroque, mais j’adore travailler sur du Rossini serio, que j’aime tout particulièrement, et que j’espère pouvoir chanter sur scène. Je pense que l'épanouissement idéal de ma voix suivrait un peu celui de Gregory Kunde, un de mes artistes préférés, et dont la voix ne cesse d’évoluer : il a démarré sa carrière comme lyrique-léger pour ensuite aborder tout le répertoire lyrique d’agilité, et se consacrer à un répertoire de lirico-spinto plus récemment. Il est donc un génial exemple d’artiste et de répertoire qui m’inspirent.

Vous avez atteint une vraie popularité médiatique et publique avec votre album « Il Canto de la Nutrice ». Quelle en a été la genèse ?

Tout a commencé quand j'ai abordé mon tout premier rôle de nourrice à l'Opéra de Magdeburg en Allemagne en 2018. L’atelier Lyrique Opera Fuoco et David Stern m’ont proposé le rôle de Murmilla, un rôle de nourrice dans l'opéra Richard Cœur de Lion de Telemann. Pour un premier rôle au sein de l’atelier lyrique, j’avoue avoir été un peu réticent sur le coup, mais je me suis dit que c’était aussi l’occasion de travailler des choses différentes scéniquement. Je n’aurais jamais pensé que ça pourrait être une vraie révélation. J’ai même eu envie de rechercher d’autres rôles de ce type, et j’ai découvert qu’il y en avait énormément, surtout dans le répertoire baroque italien du 17ème siècle. Surtout, j’ai découvert que la plupart de ces airs, pourtant si populaires dans l’opéra de l'époque, n’avaient jamais été enregistrés. Je me devais de leur consacrer au moins un album ; au départ j’ai même pensé en faire un coffret de trois disques ! Mais le directeur de Da Vinci Classics, qui produisait le projet, n’était pas très convaincu côté marketing ! (rires)

On croit savoir que vous avez déjà un nouveau projet d’album…

Haha ! Je ne sais pas d’où vous sortez cette information car cela est encore très confidentiel, mais oui en effet, je vais bientôt enregistrer un nouvel album solo… Je ne peux encore pas en révéler le contenu pour des raisons évidentes, mais je peux au moins vous dire qu’il sera dirigé par une vraie star de la musique classique en France…

Vous avez cocréé un ensemble baroque nommé « Il Groviglio ». Pouvez-vous nous en parler ?

Il Groviglio en italien signifie « enchevêtrement ». L’idée d’approfondir le répertoire baroque italien m’est venue dès ma première année au CMBV. Surtout, faire de la musique avec des gens que l’on estime musicalement et humainement est, à ce jour, l’une des choses qui me donne le plus de joie dans ce métier. Il y a un noyau dur de musiciens fidèles, mais c’est un ensemble à géométrie variable selon les projets. Le dernier en date était l’enregistrement d'un oratorio de Stradella, Santa Editta, pour six voix et continuo. Le disque doit sortir en février prochain chez Da Vinci Classics.

En mars 2021, à Levallois-Perret puis Grenoble, vous serez à l’affiche d’un opéra rare de Domenico Cimarosa, Il Pittor parigino, dirigé par David Stern et avec son ensemble Opera Fuoco. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’ouvrage en général et votre rôle en particulier, ainsi que sur votre collaboration privilégiée avec ce chef ?

Il Pittor Parigino fut donné pour la première fois au Teatro Valle à Rome le 2 janvier 1781. Il eut beaucoup de succès et fut repris un peu partout, notamment au Teatro alla Scala en 1783 et à Vienne et Lisbonne en 1793/94. L'intrigue se noue entre amour, héritage et jalousie, et les ensembles de cet opéra sont particulièrement remarquables, notamment le final du premier acte. J’y incarnerai Broccardo, l’agent de Mademoiselle Eurilla, qui sera mon dixième rôle sous la direction de David Stern, pour qui j’ai énormément d’estime. Après toutes ces productions ensemble, il commence à avoir de nombreux dossiers sur moi, et me menace régulièrement de dévoiler les photos de mon costume de Murmilla, alors que je portais un faux ventre sous une robe à Magdeburg ! (rires)

On imagine que certains de vos projets ont été annulés par la crise sanitaire ? Quels sont les prochains à part ce Pittor parigino que nous venons d'évoquer ?

J’ai eu beaucoup de chance : peu de projets annulés, la plupart ont été reportés à la saison prochaine. Plusieurs concerts sont prévus avec l’oratorio Santa Editta, en France et en Italie. En février, je chanterai le rôle-titre dans l’Orfeo de Domenico Belli, dans le cadre d’une résidence avec Il Groviglio à la cité de la voix de Vézelay. Au printemps, avec Stéphane Fuget, nous reprendrons Les Grands Motets de Jean-Baptiste Lully à la Chapelle Royale de Versailles, puis avec Opera Fuoco, Candide de Leonard Bernstein à la salle Ravel de Levallois-Perret. L’été prochain, j’ai le plaisir d’intégrer l'Académie d’Ambronay, pour une tournée européenne autour d’un programme consacré à la naissance de l’oratorio. Voilà, vous savez presque tout sur moi ! (rires)

Propos recueillis en novembre 2020 par Emmanuel Andrieu

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