La Khovantchina de Moussorgsky à l'affiche de l'Opéra de Flandre

Xl_la_khovantchina © DR

Après une enthousiasmante production d'Elektra le mois dernier, l'Opéra de Flandre propose – à partir de ce soir vendredi 31 octobre – une nouvelle production d'une des œuvres lyriques les plus complexes et foisonnantes de tout le répertoire lyrique : La Khovantchina de Modest Moussorgsky. Avant de rendre compte du spectacle, nous nous penchons en quelques lignes sur cet ouvrage aussi ambitieux que passionnant...

***

La Khovantchina passe pour être un opéra mal bâti, que le compositeur aurait eu du mal à construire. Mais cette impression ne vient-elle pas plutôt du fait qu'on en connaît mal l'histoire ? Car la structure de l'ouvrage est au contraire implacable, et si elle paraît compliquée, c'est qu'elle ne raconte pas, comme tant d'autres opéras, l'histoire désormais classique – fixée par Bernard Shaw – du baryton belliqueux à l'égard d'un ténor et d'une soprano qui s'aiment d'un impossible amour.

La Khovantchina est donc un opéra complexe : les personnages sont des foules, presque des masses. Les quelques voix principales sont comme dépossédées de leur individualité, pour se sublimer jusqu'à devenir des représentations symboliques, hiératiques, loin de toute psychologie amoureuse, loin du code sentimental qui gère l'opéra italien ou français. Les grandes ombres d'une histoire qui n'est irrémédiablement pas la nôtre pèsent sur cet opéra, à commencer par celle de Pierre le Grand, invisible ici, mais signifié par les trompettes grinçantes de ses troupes menaçantes. Les lignes de force de cet opéra trouvent leurs sources dans un passé mythique et lointain dans lequel, nous autres occidentaux, nous repérons mal. Pour rattraper le fil, on peut se souvenir d'images de films, notamment ceux d'Eisenstein. Apparemment rien de commun entre le slavophile exalté qu'était Moussorgsky et le cinéaste communiste, sinon peut-être l'essentiel : la haine d'un pouvoir nécessaire, et le malheur d'être russe. À certains égards, La Khovantchina raconte la même histoire qu'Ivan le Terrible et que Boris Godounov : un homme d'Etat – Pierre le Grand, ou le Prince Khovansky, ou Ivan le Terrible – pour réformer, ou unifier, ou gouverner son pays, doit réprimer les forces vives de ce pays : les Strelsy fanatiques, les boyards arrogants ou les Raskoliniki religieux.

Ainsi donc, dans la vieille Russie, existe une tribu de boyards – des princes –, les Khovansky. Un patriarche tout puissant, le plus vieux des Khovansky : on marche dans sa famille au doigt, à l'oeil et au fouet. Le jeune prince André est l'idiot de la famille, petit bellâtre insupportable, qui court le guilledou aux limites tolérées. Une famille riche, braillarde, un peu folâtre, puissante, installée sur une histoire qui lui file sous les pieds. A côté d'elle, une seconde famille, tout aussi spirituelle que la première est matérielle. Même structure : un patriarche, Dosifei, austère, puissant en longs sermons, et une fille « spirituelle », Marfa, voyante, mystique, mais aussi débauchée, puisqu'elle fut et reste encore la maîtresse du jeune prince. En elle vont se concentrer toutes les contradictions des deux familles en voie de disparition ; elle seule sait d'avance, et tout de suite, la condamnation implacable de l'histoire...

Emmanuel Andrieu

La Khovantchina à l'Opéra de Flandre - Du 31 octobre au 8 novembre à l'Opéra d'Anvers, puis du 26 novembre au 2 décembre à l'Opéra de Gand.

Plus d'informations sont disponibles sur le site officiel de l'Opéra de Flandre

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading