Katia Ledoux, à la fois Vénus (soprano) et Orphée (ténor) dans Orphée aux enfers au Volksoper de Vienne

Xl_katia-ledoux_orphee-aux-enfers_volksoper-wien-2023 © Volksoper Wien

Les remplacements à l’opéra sont monnaie courante : lorsqu’un interprète n’est pas en mesure d’assurer son rôle, les maisons d’opéra font généralement appel à des doublures, sollicitent des remplaçants parfois la dernière minute, ou font jouer le rôle par son interprètes sur scène doublé vocalement depuis la fosse ou les coulisses – voire font appel à un membre (émérite) du public.

Le Volksoper de Vienne a opté pour une solution un peu différente pour sa production d’Orphée aux Enfers, de Jacques Offenbach. Le ténor Daniel Kluge interprète normalement le rôle d’Orphée mais, malade, il doit déclarer forfait la veille de la représentation du 1er février. L'Opéra populaire de Vienne peine à lui trouver un remplaçant et « à moitié pour plaisanter », la mezzo-soprano française Katia Ledoux s’interroge sur la possibilité technique d’interpréter à la fois la partie du ténor, en plus du rôle de Venus qui lui est normalement dévolu. C’est cette histoire « d’une soirée où elle est devenue un ténor » qu’elle relate sur les réseaux sociaux : car finalement, selon la mezzo, « Venus et Orphée ne partagent que peu de temps sur scène communs et quand ils y sont ensemble, ils chantent des lignes très similaires dans les grands ensembles, ne serait-il donc pas possible qu'une même personne interprète les deux rôles ? »

Après plusieurs heures de répétitions intensives pour apprendre le rôle et la mise en scène du ténor, des essayages de costumes et de perruques (et une concession pour renoncer aux talons trop haut de la tenue de Venus), la représentation débute finalement avec une annonce : « nous sommes extrêmement reconnaissant envers Katia Ledoux qui sauve la représentation en jouant les rôles de Venus et d’Orphée ce soir ». La jeune mezzo indique alors avoir « été frappée par la soudaine prise de conscience de l’absolue folie de la démarche ».

« C’était insensé, j’étais au bord de la rupture tout du long du spectacle, j’ai passé l’entracte à pleurer d’épuisement... j’ai gâché quelques scènes, mais finalement, j’ai reçu l’une des ovations les plus belles et chaleureuses de ma vie et j’ai marqué quelques points pour n’avoir pas renoncé. Est-ce que ça en valait la peine ? Absolument pas ! 3/10 et je ne recommande pas. :) J’ai fait de vrais cauchemars qui me paraissent infiniment moins terrifiants.
L’expérience m’a néanmoins permise de repousser mes ultimes limites, mais m’a aussi montrée combien je suis entourée d’amour, de chaleur et de soutien. J’ai reçu les applaudissements du public, mais même en un million d’années, je n’aurais jamais pu relever ce défi seule. Mes plus sincères remerciements vont à toutes les personnes incroyables du Volksoper qui ont travaillé si dur pour que cette expérience soit aussi douce que possible pour moi.
 »

Katia Ledoux mentionne notamment la souffleuse Rita Oberparleiter pour les répétitions supplémentaires, mais aussi le chef Alexander Joel et l’orchestre du Volksoper pour avoir su l’accompagner lors de la représentation, les équipes de la maison d’opéra ou encore le public viennois pour avoir « réagi si positivement à ce changement de dernière minute ».

L’expérience est insolite, mais il faut dire que la production l’est sans doute tout autant – on en rendait compte voici quelques jours en allemand (avec cette fois Daniel Kluge bien présent dans le rôle d’Orphée). La production est signée par la troupe britannique Spymonkey « qui ne respecte rien ni personne, pas même Offenbach », et qui connait précisément un solide succès international pour son irrévérence, son humour et sa fantaisie. L’expérience de Katia Ledoux était peut-être une « folie absolue » mais sans doute ne dénotait-elle pas totalement dans la production – pour la plus grande satisfaction des amateurs de spectacles vivants.

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