En immersion avec Leo Nucci, par Antoine Bernheim

Xl_leo-nucci © DR

À presque 70 ans et fort de ses 45 ans de carrières de baryton sur toutes les scènes du globe, Leo Nucci a accumulé une expérience inestimable qu'il partage manifestement volontiers dans le cadre de Masterclasses – comme le 30 novembre 2011 au Théâtre du Châtelet, aux côtés des barytons Julien Dumarcey et Antoine Bernheim, du ténor Thierry de Marcley et de la soprano Dominique Magloire.
Antoine Bernheim partage à son tour avec nous cette expérience manifestement aussi enrichissante que réjouissante. 

Dans tous les métiers mais spécialement dans ceux de l'opéra il n'est pas d'âge pour se perfectionner. Aussi lorsque l'on a la chance de pouvoir participer à la toute première Masterclass donnée par le dernier grand baryton Verdi encore en activité, l'immense Leo Nucci lequel était tellement enthousiaste à l'idée de partager un peu de sa grande expérience avec de jeunes professionnels qu'il a pour donner ce cours renoncé à chanter Macbeth à la Scala de Milan, on ne peut que se précipiter pour boire les paroles du maître.

Et le moins que l'on puisse dire est que nous n'avons pas été déçus. Si M. Nucci est arrivé à Paris presque sur la pointe des pieds, tout empreint de cette vraie modestie qui caractérise les grands, s'excusant par avance de ne pas avoir grand-chose à dire, de ne pas vouloir parler technique, tant le public que les élèves ont pu rapidement se rendre compte de tout ce qu'un homme de son expérience avait à leur apporter. 

M. Nucci commença par rappeler une vérité qui pourrait passer pour une lapalissade si tant d'interprètes, de chefs ou de metteurs en scène ne l'oubliaient continuellement : le compositeur a toujours raison. Entendez par là que lorsque Verdi ou Donizetti écrit une croche au lieu d'une noire, ou une nuance, ou une ornementation, celle-ci n'est jamais là par hasard et trouve toujours une justification dramatique. Et il illustra cette vérité en prenant comme exemple un différend qu'il avait eu avec un chef sur une note de la scène finale de Rigoletto.

Après cela il fut temps de passer au travail sur les airs. Quatre élèves pour quatre airs de quatre grands compositeurs italiens tous décortiqués avec une précision de joaillier par le maître, pour la plus grande joie d'un public conquis qui put constater à quel point un air bien chanté pouvait prendre une dimension supplémentaire une fois retravaillé avec l'aide si précieuse d'un Nucci.

A tout seigneur tout honneur c'est avec Verdi que l'on commença, le baryton Julien Dumarcey ayant choisi de s'attaquer à la grande scène de mort de Rodrigo dans Don Carlo. Puis Puccini et l'air de Rodolfo dans la Bohème chanté par le ténor Thierry de Marcley et après la pause la scène de Marguerite extraite du Mefistofele de Boito par la soprano Dominique Magloire. J'eus l'honneur de clore le programme avec Rossini et l'air de Bartolo extrait du Barbier de Séville. 

Certes Bartolo est un rôle que j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de chanter sur scène mais le fait de pouvoir retravailler cet air avec un artiste qui incarna Figaro des années durant sur les plus grandes scènes mondiales est un privilège que j'ai pu apprécier à sa juste valeur. "Donne moins de voix à cet endroit, arrondis la voix ici, respire ici plutôt que là..." tant de petits détails, de conseils judicieux qui ont fait que l'air devenait non seulement plus agréable à entendre pour le public mais aussi plus facile pour le chanteur. 

Or si Leo Nucci à bientôt 70 ans est toujours à même de chanter les grands rôles verdiens sur des scènes internationales c'est qu'il a su gérer admirablement sa carrière dans les grandes mais aussi les petites lignes, déjouant les pièges qu'il a su repérer grâce à une lecture minutieuse et une grande prudence dans le choix de ses rôles. Combien de chanteurs prometteurs se sont-ils brûlé les ailes en s'attaquant à des rôles qui ne leur convenaient pas ou du moins pas encore ?

Et, cerise sur le gâteau l'on put s'apercevoir à quel point Leo Nucci malgré son âge avancé pour un chanteur jouissait encore d'une exceptionnelle santé vocale lorsque de manière improvisée il se lança pour notre plus grand bonheur et aux côtés de la soprano Géraldine Casey, artiste invitée, dans le duo final du deuxième acte de Rigoletto. Une manière de conclure cette superbe soirée en feu d'artifice !

Antoine Bernheim

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