Décès de Jean-Marie Villégier, metteur en scène et grand promoteur de l’opéra baroque

Xl_jean-marie_vill_gier2 © Colette Masson/Roger-Violet

C’est avec tristesse que nous apprenons aujourd'hui la disparition de l'homme de théâtre et metteur en scène Jean-Marie Villégier, dans la nuit de lundi à mardi, à l’âge de 86 ans. Il restera dans les mémoires comme l'un des grands promoteurs de l'opéra baroque en France et défenseur du répertoire du XVIIe siècle. 

Agrégé de Philosophie et nommé au Centre universitaire international de formation et de recherche dramatique (CUIFERD) de  l'université de Nancy, puis au département d'études théâtrales et cinématographiques, Jean-Marie Villégier devient surtout ensuite l'un des responsables du Centre de dramaturgie de l'Opéra de Paris jusqu’en 1980, avant de prendre la direction du Théâtre national de Strasbourg (TNS) en 1990 et de fonder sa propre compagnie, l'Illustre Théâtre, en 1985.

Il débute sa carrière de metteur en scène d’abord au théâtre (Léonce et Léna de Georg Büchner en 1969 ou Héraclius de Pierre Corneille en 1971) avant d’arriver à l’art lyrique puis d’alterner entre les deux arts.

Ses premières armes à l’opéra se font avec La Cenerentola de Rossini au Théâtre de la Monnaie, sous la direction musicale de Sylvain Cambreling en 1983, puis L'incoronazione di Poppea à Nancy sous la baguette de Gustav Leonhardt en 1985. Toutefois, c’est l’année suivante qu’il marque particulièrement les esprits avec une production qui fait date aujourd’hui encore : Atys, aux côtés de William Christie, donnée notamment à l’Opéra Comique ou à Versailles (il montera à nouveau ce spectacle plus de 20 ans après sa création pour une nouvelle tournée). Il participe alors à la redécouverte de l’opéra baroque en France et multiplie les projets avec le chef américain : Le Malade imaginaire, la Médée de Charpentier, Hippolyte et Aricie, Rodelinda, parmi d'autres. Parallèlement, son goût pour le XVIIe siècle se retrouve aussi dans ses projets théâtraux avec de nombreuses pièces de Corneille – telle que sa Médée, deux ans après celle de Charpentier dont le livret est signé par le frère du célèbre Pierre.

Pour Jean-Marie Villégier, « bâtir une mise en scène, c’est inventer un jeu de société » (selon les termes rapportés par Télérama). Un jeu dans lequel il excellait tout particulièrement, en apportant un regard aimant et passionné. Selon lui, « la magie visuelle d'une machinerie baroque n'égalera jamais l'enchantement sonore d'une viole de gambe. À mes yeux, ces effets font écran, deviennent l'objet du spectacle en dispensant de l'essentiel du travail théâtral : raconter une histoire, montrer des conflits et leurs ressorts. Je sais quel argument on avance : ni le métier ni la fonction de metteur en scène, au sens où on l'entend aujourd'hui, n'existaient au XVIIe siècle. Soit ! Mais si, au nom de cette vérité, on érige une nouvelle orthodoxie ; si, pour une tragédie lyrique de Lully ou de Rameau, pour un opéra de Purcell ou de Haendel, on impose une codification de gestes qui interdit toute réflexion dramaturgique, proscrit toute recherche de connotations nouvelles, de résonances inédites, alors non ! Il ne s'agit pas d'actualiser à tout-va, de bannir - pour faire moderne - costumes et décors historiques, mais de se demander quel regard particulier un livret de Quinault ou de Thomas Corneille nous fait porter sur l'époque de sa création. »

Il s’était finalement retiré de la vie culturelle et vivait en Bretagne. « C'était un homme d'une humanité rare, son intelligence de l'esprit élevait et éclairait toute conversation. Il nous faisait entrer dans son univers littéraire et musical avec une infinie délicatesse » d’après Alice Bloch-Rattazzi, attachée de presse à l'Opéra-Comique et amie de longue date. Ses mises en scène demeureront dans les mémoires et les annales, tandis que son nom restera une référence pour les amoureux de l'art baroque.

Elodie Martinez

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