Décès de Geori Boué : l’une des plus grandes sopranos françaises nous quitte à l’âge de 98 ans

Xl_2017-01-06_103255 © Harcourt

Le début d’année n’est décidément pas tendre avec la famille française de la musique classique : après le décès du maestro français Georges Prêtre, c’est au tour de l’une des plus grandes sopranos françaises de nous quitter à l’âge de 98 ans : Geori Boué est morte hier, jeudi 5 janvier. Celle dont la diction ainsi que la technique étaient réputées et qui fut demandée dans les plus grandes salles, ayant travaillé avec les plus grands, amie et protégée de Reynaldo Hahn et Sacha Guitry, marquant à vie les esprits de ceux qui ont eu la chance de la voir sur scène, s’est donc éteinte à Paris où elle habitait.

Georgette (dit Geori) Boué naît à Toulouse le 16 octobre 1918 au sein d’une famille modeste aimant la musique. Elle entre au conservatoire de sa ville natale à l’âge de sept ans où elle travaille le solfège, bien entendu, mais aussi le piano, la harpe et l’harmonie. Elle se révèle une élève très douée, au point qu’elle devient accompagnatrice des classes d’études vocales. Son professeur lui conseille de se présenter au concours de chant, ce qu’elle fait à l'âge de 15 ans. Elle décroche alors un premier accessit puis deux premiers prix.

A 17 ans seulement, elle fait sa première apparition en 1934 sur la scène du Capitole de Toulouse dans le rôle du Page dans les Huguenots. Sa carrière débute alors progressivement jusqu’en 1939 et elle s’impose beaucoup de travail, non seulement pour le chant pour lequel elle travaille la diction, mais également en comédie et en danse afin de tenir au mieux les rôles qu’elle joue dans un répertoire très large, entre l’opéra et l’opérette. Ne passant pas inaperçue, elle est même remarquée par Jacques Rouché qui l’invite à l’Opéra Comique où elle interprète Mimi. Le succès est immédiat, mais la guerre vient malheureusement interrompre cette envolée dans sa carrière.

Contrainte de quitter la capitale, la jeune soprano part dans le Midi où elle rencontre Reynaldo Hahn (compositeur, entre autre, de Ciboulette) qui la voit dans La Traviata aux côtés de Miguel Villabella à l’Opéra de Toulon. Le hasard fait qu’il vient justement de reconstituer la version originale de Mireille avec Henri Büsser. Totalement séduit par la cantatrice, il lui propose d’en être l’interprète, ce qu’elle accepte. La production est donnée en 1941 au Théâtre Antique d’Arles et est une véritable réussite. Hahn écrit d’ailleurs à son ami Louis Beydts : « Mireille, avec Geori Boué, a été un triomphe fulgurant ! Je crois cette dernière appelée à faire une grande carrière ! ». L’avenir lui donna raison.


Geori Boué dans La Malibran ; DR

En 1942, Geori Boué retourne à Paris et se produit non seulement à l’Opéra Comique où elle reprend le rôle de Mireille, mais aussi au Palais Garnier où elle intervient dans Thaïs à l’occasion du centenaire de la naissance de Massenet. Sacha Guitry fait alors parti des nombreux spectateurs qui l’entendent ; ce dernier, totalement séduit à son tour par la soprano, lui propose dès la fin de la représentation d’être la vedette de son prochain film, La Malibran, retraçant la vie de la célèbre cantatrice. Le tournage se fait en 1943 et met en avant tout le talent et le travail accompli jusque-là par la jeune toulousaine puisqu’elle y chante et y tient le rôle-titre, certes, mais elle y joue également de la harpe.

En 1944, elle épouse le baryton Roger Bourdin (né le 14 juin 1900 à Levallois-Perret et mort le 14 septembre 1973 à Paris) et aura deux filles de cette union, dont Françoise Bourdin (auteure française prolifique à l’origine d’une quarantaine d’œuvres, se plaçant au quatrième rang des écrivains français en nombre de livres vendus en 2012).

Sa carrière lyrique ne s’arrête pas pour autant : à l’Opéra Comique, elle chante Manon, Louise, Micaela dans Carmen, Pelléas et MélisandeMadame Butterfly, Suzanne dans Les Noces de Figaro, ou encore La Traviata, triomphant à chaque fois. Lors de la création de Ciboulette en 1953, elle est engagée pour six représentations mais restera finalement pour trente-six afin de combler la demande du public. A cette occasion, elle chante aux côté de son mari, Roger Bourdin.

A cette même époque, elle chante également Marguerite dans Faust, Rozenn dans Le Roi d’Ys, ou encore Desdémone dans Othello au Palais Garnier. Elle enchaîne ainsi les rôles à Paris jusqu’en 1957 avec les plus grands, tels que Tito Schipa, Mario del Monaco, José Luccioni, Raoul Jobin, Georges Noré, Libero de Luca, entre autres. 

Le monde entier la réclame alors : Mexico, Londres, Chicago, Rio de Janeiron, Milan, Barcelone… Le succès reste au rendez-vous quel que soit le pays. En 1957, suite à la demande de l’ambassadeur de Russie, elle se produit dans Eugène Onéguine au Bolchoï de Moscou dans une mise en scène dite époustouflante comprenant une centaine de choristes. Elle s’y produit également dans Madame Butterfly. Elle n’oublie pas pour autant son pays natal dans lequel elle n’hésite pas à participer aux émissions de la RTF ; on la retrouve donc, par exemple, dans les productions télévisées de Henri Spade.


Geori Boué ; DR

En 1959, elle retrouve deux noms qui ont déjà marqué sa carrière en entreprenant une tournée (qui remporte un grand succès) en compagnie du comédien Maurice Escande afin de présenter l’œuvre de Reynaldo Hahn sur un livret de Sacha Guitry, à savoir Mozart. L’année suivante, Henri Varna, alors directeur du Mogador, fait appel à Geori Boué pour monter La Belle Hélène dont la Première a lieu le 25 février. Face à la réussite de cette première production commune, Henri Vama contacte à nouveau la soprano pour reprendre La Veuve Joyeuse en décembre 1962. Là encore, la production remporte tous les suffrages et l’opérette se joue près d’un an !

En 1966, Geori Boué anime le Centre Lyrique Populaire de France installé au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis permettant à de jeunes talents de travailler aux côtés d’artistes confirmés non seulement des pièces du répertoire classique, mais également contemporain. L’entreprise reçoit par ailleurs le soutien du Ministre de la Culture qui était alors André Malraux.

A partir de 1969 et jusqu’en 1975, Geori Boué devient professeur d’Art Lyrique au Conservatoire de Boulogne Billancourt. Elle poursuit parallèlement sa carrière lyrique lors de concerts, de reprises de ses grands rôles ou bien par des enregistrements discographiques mais se retire des scènes en 1973 afin de se consacrer pleinement à l’enseignement.

Elodie Martinez

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