Alcina au Palais Garnier

Xl_myrto_papatanasiu © DR

Etrénnée in loco en 1999 - reprise deux fois ensuite -, la production de l'Alcina de Haendel signée par le metteur en scène canadien Robert Carsen est toujours un régal pour les yeux. On retrouve ainsi avec le même bonheur le sobre décor classicisant (et les beaux costumes) de Tobias Hoheisel, magnifié par les superbes éclairages de Jean Kalman. Carsen transpose et modernise le livret, et la partition de Haendel transcende ici sa donnée légendaire et surnaturelle pour reporter sur un quatuor de personnages fortement caractérisés toute l'intensité du drame - et sans doute l'ornement baroque aurait été ici réducteur, pour ce qui est avant tout une tragédie humaine et atemporelle.

Pour extraordinaire que cela puisse paraître, c'est la première fois que Christophe Rousset dirige à l'Opéra National de Paris. A la tête de son ensemble Les Talens Lyriques, le chef français parvient à traduire aussi bien la sensibilité que l'ironie de la musique du caro sassone, et l'anime de son habituel et formidable sens du théâtre.

Très fêtée au rideau final, la soprano grecque Myrto Papatanasiu est une Alcina certes solide mais un brin monolithique, souvent incapable de passer de la colère au pathétisme, de la jubilation à la prostration, sentiments que Haendel transcende dans des airs d'une variété inouïe. Comme l'Armide de Rossini, cette magicienne exerçant un pouvoir sur les hommes ne doit jamais perdre de vue le côté autoritaire de son personnage, qu'une chanteuse peut traduire de deux manières : la vigueur dans l'accent ou les prouesses dans la technique. Avec une émission un peu molle et un timbre plutôt placide, la belle Myrto n'est qu'une amoureuse, tantôt transi, tantôt déçue.

En revanche, on ne sait qu'admirer le plus chez Sandrine Piau qui, dans le rôle de la délurée Morgana, désarme l'auditoire grâce à la perfection de ses vocalises, la qualité de son timbre, la solidité de son médium, ou encore la vivacité étincelante de son jeu d'actrice.

Se pose ensuite le problème de ces rôles conçus pour des castrats altos, actuellement distribués à des mezzos-sopranos, faute de contraltos féminines. Tout se joue alors sur la capacité de ces cantatrices à faire sonner leur registre grave. En ce domaine, comme en celui de l'assurance scénique, la mezzo russe Olga Guryachova s'en tire mieux que la britannique Patricia Bardon, dont la projection vocale et la virtuosité s'avèrent assez faibles.

Les deux autres personnages, bien que moins « conséquents », n'en sont pas moins solidement tenus. Le très prometteur ténor français Cyrille Dubois – révélé en novembre dernier dans la Lakmé stéphanoise puis dans la production lyonnaise des Contes d'Hoffman un mois plus tard – offre une prestation très volontaire dans le rôle d'Oronte, et régale nos oreilles avec son timbre ravissant, et sa technique (déjà) sans faille. Quant à la basse polonaise Michal Partyka – ex-élève de l'Atelier Lyrique de Paris, à l'instar de Cyrille Dubois -, il dessine un Melisso d'une réelle présence vocale même si, dans sa seule aria, il choisit de mettre en avant davantage la bravoure que la poétique du bel canto.

Emmanuel Andrieu

Alcina à l'Opéra national de Paris (jusqu'au 12 février 2014)

Crédit photo  © Opéra national de Paris / J.M. Lisse

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