Rencontre avec Karina Gauvin, Vénus dans Dardanus de Rameau à l'Opéra National de Bordeaux

Xl_karina_gauvin © DR

Après avoir triomphé dans le rôle de Vitellia (La Clemenza di Tito de Mozart) au Théâtre des Champs-Elysées en début de saison, c'est sur la scène du Grand-Théâtre de Bordeaux que la soprano québécoise Karina Gauvin se produit actuellement. Elle y chante le rôle de Vénus dans le rare Dardanus de Jean-Philippe Rameau - mis en scène par Michel Fau et dirigé par Raphaël Pichon -, production qui sera reprise le mois prochain à l'Opéra Royal de Versailles. Opera-Online l'a rencontrée le temps de quelques questions...

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Opera-Online : Vous êtes actuellement Vénus dans Dardanus de Rameau au Grand-Théâtre de Bordeaux. Comment avez-vous abordé votre personnage qui est pour vous une prise de rôle ?

Karina Gauvin : C'est un personnage que j'avais déjà abordé dans d'autres ouvrages baroques, comme dans Psyché de Lully, opéra qui dévoile une Vénus plus jalouse que dans l'ouvrage de Rameau. Cela reste une femme sûre d'elle, dominatrice, et Raphaël Pichon a d'ailleurs tenu à ce que j'accentue le côté arrogant du personnage. Au départ, c'est Sabine Devieilhe qui avait été pressentie pour le rôle, puis on a finalement opté pour une voix plus corsée, et on a alors pensé à moi.

Est-ce la première fois que vous travaillez avec Raphaël Pichon ?

Oui, c'est ma première collaboration avec lui. C'est un spécialiste de Rameau, et il a notamment enregistré Dardanus au disque. De mon côté, j'ai très peu chanté Rameau, juste un peu quand j'étais au Conservatoire, et dernièrement l'air de la Folie dans Platée, dans l'écrin de l'Opéra Royal de Versailles, pour un documentaire sur Rameau qui va passer le mois prochain à la télévision française. En enregistrant l'air - sous la direction de Christophe Rousset -, je me suis rendue compte que Rameau exigeait beaucoup de volume et d'étoffe vocale de la part des chanteurs ; on ne peut pas se cacher chez Rameau, on est forcément très exposé vocalement parlant.

Les répertoires rares vous occupent beaucoup : est-ce le hasard des propositions qui vous sont faites ou le résultat d’un choix délibéré ?

C'est un peu des deux je pense. J'aime les défis, mais le revers de la médaille, c'est qu'on ne pense pas assez à moi pour chanter le répertoire « standard », que j'aimerais interpréter plus souvent. On a aussi tendance à me cantonner aux héroïnes baroques alors que je rêverais de chanter la Comtesse dans Les Noces de Figaro par exemple. J'adore le répertoire mozartien, je m'y sens à l'aise, et j'aimerais qu'on se rende mieux compte de ma polyvalence, du fait que ma voix a acquis un certain volume depuis quelque temps. En même temps, je suis une chanteuse qui travaille les couleurs, l'expression et les nuances, car c'est bien cela le plus essentiel dans le chant.

Quelle place occupe aujourd'hui les concerts et les récitals dans votre carrière ?

En fait, ma carrière a commencé par là, et le scénique n'est venu qu'assez tardivement, au point que beaucoup de gens ne pensaient pas que je puisse faire de la scène. Beaucoup ont ainsi été surpris par mon interprétation de Vitellia cet automne au Théâtre des Champs Elysées, par mon aplomb vocal et ma présence scénique, enfin c'est ce qu'on m'a rapporté ! (rires). En fait, j'aimerais bien pouvoir alterner les deux...

Vous allez bientôt aborder le rôle-titre d'Alcina de Haendel au Teatro Real de Madrid ; parlez-nous de la difficulté d'interpréter ce personnage ?

C'est mon rôle fétiche, celui que je maîtrise le mieux pour l'avoir beaucoup chanté. C'est le chef Christophe Rousset qui m'a emmené à ce rôle, c'est aussi d'ailleurs lui qui m'a fait venir en Europe pour la première fois, et je lui dois beaucoup. On l'a notamment fait ensemble, en version de concert, à l'Opéra Royal de Versailles et je dois dire qu'il a un don pour associer ma voix à certains rôles ; je lui fais une absolue confiance pour cela. Sinon, j'ai très hâte d'être à Madrid car cela sera la première fois que j'aborderai l'ouvrage de manière scénique. Alcina est un personnage complexe qui va m'obliger à aller chercher des choses tout au fond de moi et c'est très excitant...

Comment expliquez-vous qu'il y ait tant de chanteurs de qualité issus du Canada ?

Il y a tellement de gens qui me disent ça ! (rires) Je ne sais pas vraiment... C'est vrai déjà que le chant choral est très important, très présent au Canada, il y a beaucoup de chœurs d'enfants chez nous par exemple... S'il y a beaucoup de belles voix au Canada, cela vient peut-être aussi de la manière dont on parle, de notre accent, qui est plus propice au chant, je pense qu'il y a quelque chose de cet ordre là. Et puis il y a fort désir d'expression artistique chez nous...

Y a-t-il des cantatrices qui vous ont inspirée pour votre carrière ?

Il y en deux qui m'ont particulièrement inspirée, Dame Janet Baker d'abord, mais surtout Régine Crespin qui est mon idole absolue ! Il y a tellement d'émotion dans sa voix, le timbre est si beau et sa diction tellement admirable ! Je ne cherche pas à lui ressembler, chaque voix est unique, mais j'essaie de cultiver la même émotion, la même profondeur, la même faculté de toucher les gens qu'elle avait avec sa voix.

Propos recueillis par Emmanuel Andrieu

Karina Gauvin dans le rôle de Vénus dans Dardanus de Rameau – Au Grand-Théâtre de Bordeaux du 18 au 26 avril 2015, puis à l'Opéra Royal de Versailles les 5 et 6 mai 2015

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