Une Flûte enchantée de beauté pure au Verbier Festival

Xl_03082019_combins_15h00_vfjo_kochanovsky__dianedeschenaux_13 © Diane Deschenaux

Après avoir suivi le travail des étudiants de l’Atelier Lyrique de la Verbier Festival Academy sur la partie lied, nous étions assez impatients de les voir à l’œuvre à l’opéra, après un tour de chauffe côté chœur dans La Femme sans ombre. Et c’est ainsi que la mise en espace de La Flûte enchantée clôt avec une fraîcheur réjouissante une quinzaine studieuse – partie émergée de l’iceberg, car les musiciens sont arrivés plus tôt pour commencer leur perfectionnement technique. Les chanteurs ont été coachés pour la dimension lyrique, les mécanismes physiologiques de la voix, la langue allemande, et l’expression scénique, dans un programme Opéra dirigé par la pianiste Caroline Dowdle. La mise en perspective croisée de ces domaines de compétence est un gage de réussite de ce spectacle, sans compter l’évidente complicité qui se ressent entre les académiciens, plusieurs semaines après leur arrivée à Verbier.


La Flûte Enchantée, Verbier Festival (c) Diane Deschenaux


La Flûte Enchantée, Verbier Festival (c) Diane Deschenaux

La confirmation d’une grande découverte se goûte sous les traits de Tamino : le ténor Eric Ferring est exceptionnel, fort d’un timbre cosy et d’une orientation aérée et expressive de la phrase en des couleurs irisées. Il fait transparaître dès la première scène une lumière intérieure, une candeur céleste, avant la quête initiatique qui l’attend. Le Papageno feel-good du Néo-Zélandais Julien Van Mellaerts s’accompagne d’un sens de l’équilibre très appréciable, tant dans le jeu que dans le chant. Il n’est ni lourdaud ni victime, et son entre-deux entre le legato et le staccato lui permet de crédibiliser les émotions du personnage, grâce à sa voix dense et affirmée, sans emphase. La soprano chinoise Meigui Zhang, tout juste auréolée du Prix Yves Paternot (distinction du membre le plus prometteur de la Verbier Festival Academy, toutes disciplines confondues) dépasse les premières apparitions peu détendues pour se consacrer pleinement à intégrer les lignes d’une discrète et subtile Pamina aux flux de l’orchestre. Cette écoute n’empiète cependant pas sur sa propre prestation, bien présente et palpable. Question attendue de tous : qu’en est-il de la Reine de la Nuit, campée par Maria Sardaryan ? Le premier air témoigne d’un condensé de son bien maîtrisé – quoique figeant légèrement l’incarnation – jusque dans les aigus, mais le second souffre d’ornements malhabiles et d’une justesse un peu basse. Sarastro décuple la sagesse et la stature qui lui incombent dans la voix joliment expansive et résonnante de Yannick Spanier. Les trois Dames d’Olivia Boen, Victoria Karkacheva et Alexandra Yangel ont trouvé un terrain d’entente musical idéal, leur permettant d’être aussi bien vocalement assorties que de se mettre en scène de façon équivalente. Michael Bell choisit d’explorer la face plus « comique » que « #MeToo » de Monostatos. Si la légèreté du timbre ne facilite pas l’audition dans la première partie, le deuxième acte le rend plus catégorique. Ce ne sera malheureusement pas le cas de Clara Barbier Serrano (Papagena), que nous aurions aimé entendre plus précisément après ses dialogues remarquablement interprétés à la manière d’une femme fatale.

Le Verbier Festival junior Orchestra, composé d’une soixantaine d’instrumentistes internationaux âgés de quinze à dix-huit ans, suscite un grand respect pour la maturité des idées musicales qui en émergent sous la baguette de Stanislav Kochanovsky. L’ensemble a appris à connaître et à apprivoiser ses dynamiques collectives dans le cadre d’un « stage d’été » d’un petit mois. Le beau son est à l’ordre du jour (mention spéciale pour les bassons et flûtes, superbes), et donne un air parfois trop sérieux à certaines pages. Le chef s’adonne à une lecture en accords plutôt intéressante pour une œuvre dont l’essence se résume à la succession des événements. Il omet toutefois par moments de fortifier le caractère des transitions, qu’il lui arrive de noyer dans des cuivres trop présents ou dans des articulations trop peu nerveuses (comme dans l’ouverture).

Des petits défauts, certes, mais ce qui restera de cette Flûte, c’est de voir que Mozart a encore des choses puissantes à partager, sans routine et sans cynisme, par l’élan stimulant et contagieux d’une jeunesse ivre de musicalité

Thibault Vicq
(Verbier, le 3 août 2019)

Crédit photo (c) Diane Deschenaux

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